Nesanel "Tony" Gryn

Légende :

Carte de membre de l'Organisation juive de combat délivrée à Paris le 1er septembre 1944

Genre : Image

Type : Carte associative

Source : © Yad Vashem / fonds Tony Gryn Droits réservés

Date document : 1er septembre 1944

Lieu : France

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Contexte historique

Fils de Iser Berek Gryn et de Rivka Wacholder, Nesanel naît le 20 février 1921 à Lublin (Pologne). Arrivé en France avec sa famille en octobre 1933, Il suit sa scolarité au lycée juif Maïmonide, premier établissement secondaire juif de France crée en 1935. Naturalisé français par décret du 2 janvier 1940 (Journal officiel du 14 janvier 1940), Tony Gryn est alors étudiant en médecine à Paris.

Du 3 août 1940 au 17 août 1941, il est incarcéré à la prison du Cherche-Midi puis à Fresnes après avoir été condamné à un d’emprisonnement par un tribunal militaire allemand pour altercation avec des soldats et « tentative de démoralisation de l’armée allemande ». Après sa libération, il devient professeur d’enseignement religieux au Consistoire et fonde un groupe sioniste clandestin dans la capitale avec André Cahen. Venant de la zone Sud, André Cahen lui apprend l’existence du Mouvement de jeunesse sioniste (MJS). En février 1942, Tony Gryn passe en zone Sud et se rend à Grenoble. Il prend contact avec Sender Szejner qui le met en relation avec Simon Levitte. C’est ainsi qu’il intègre le groupe de Grenoble du Mouvement de jeunesse sioniste et débute son activité résistante en contribuant à la fabrication de faux papiers. La commission de révision des naturalisations signale dans une note du 23 mars 1944 Que Nesanel Gryn "a quitté le département de la Seine en 1942 en même temps que son père et sa soeur, lors de l'internement de sa mère, et leur adresse est inconnue".

En juillet 1942, sa mère restée en région parisienne est déportée à Auschwitz où elle décède le 31 août 1942. A la suite d’une perquisition, Tony Gryn est, quant à lui, arrêté à Lyon en octobre 1942 et relâché quelques heures plus tard, sans doute faute de preuves.

A Grenoble, en 1943, avec Simon Levitte, il met en place une organisation clandestine liée au Mouvement de jeunesse sioniste qui prend l’appellation d’« Education physique ». Levitte lui confie l’organisation du passage d’enfants juifs vers la Suisse depuis Annecy. Il utilise pour cela la fausse identité de Victor Antoine Michaut ; il conservera cette couverture jusqu’à la Libération. Son adjointe est Mila Racine (arrêtée le 21 octobre 1943, elle meurt en déportation en mars 1945). Tony Gryn a à son actif le passage en Suisse d’environ 130 enfants et quelques dizaines de familles.

Après l’arrestation de Mila Racine, le réseau est provisoirement mis en sommeil. Sur la recommandation de Simon Levitte, Tony Gryn gagne Paris en juin 1943 et rejoint le Service social des Jeunes, organisation clandestine regroupant des éléments de la Sixième (Eclaireurs israélites de France) et de l’Education physique. Sous la direction de Jacques Pulver et Albert Akerberg, il a la responsabilité du secteur des faux-papiers avec pour adjoint Lucien Rubel. Installé au cœur du quartier latin, Tony Gryn se fait délivrer pour sa couverture une carte d’étudiant et une carte de correspondant du journal collaborationniste La Dépêche de Toulouse. Tony Gryn estime, dans son témoignage de 1973, avoir réalisé en six mois environ « 9 000 complets », c’est-à-dire un semble de papiers comprenant carte d’identité, carte d’alimentation, certificat de démobilisation…

En sa qualité de membre dirigeant du Mouvement de jeunesse sioniste, il est affilié à l’Armée juive sans pour autant en faire partie officiellement par la prestation du serment obligatoire pour toute nouvelle recrue. Il participe ainsi, à Paris, aux actions menées par le corps franc de l’Organisation juive de combat (OJC), nouvelle appellation de l’Armée juive, dirigé par Lucien Rubel. Il est intéressant de préciser que Rubel était l’adjoint de Gryn au service des faux papiers mais son supérieur dans le domaine militaire. Sur un plan plus général, le corps franc était affilié au Mouvement de libération nationale (MLN) par son intégration au sein du groupe franc Alerte du capitaine Charcot-Neuville. Tony Gryn était déjà auparavant en liaison avec le MLN puisqu’il travaillait avec Maurice Loebenberg, responsable du service des faux-papiers du MLN.

Tony Gryn et Lucien Rubel parviennent à échapper à la vague d’arrestations qui frappe les principaux cadres de la section parisienne de l’OJC à la mi-juillet 1944. Tony Gryn poursuit le combat et participe à la reconstitution du corps franc. Il fait venir des renforts de Nice et de Lyon, notamment Rachel Cheigam et sa sœur Nelly, Isidore Pohorylès, Marc Levy et Charlotte Sorkine. Les réunions du groupe se tiennent dans l’appartement qu’il loue 85 boulevard Saint-Michel (Ve), au-dessus du foyer des étudiants en pharmacie, puis au 84 rue de Grenelle (VIIe) qui devient le quartier général de l’OJC à Paris.

Le 17 août 1944, alors que les Allemands viennent de quitter le camp de Drancy, un groupe du corps franc de l’OJC (Tony Gryn, Lucien Rubel, Marc Lévy, Albert Akerberg) muni d’un ordre de mission du colonel Rol-Tanguy, prend possession des lieux.
Au sein du groupe franc Alerte, Tony Gryn prend part à la protection du PC du colonel Rol-Tanguy, place Denfert-Rochereau, et à des arrestations de collaborateurs. Le 19 août, de garde au niveau du pont Saint-Jacques, il participe à la capture d’un camion allemand contenant des mines qui sont ensuite utilisées pour la protection de la Préfecture de Police.

Après la Libération, il choisit la voie politique plutôt que militaire comme certains de ses camarades qui s’engagent dans l’Armée. Responsable du groupe sioniste de Paris, lié à la Sixième et à l’Armée juive, il se dit que ses relations et ses compétences seront plus utiles à la cause sioniste. Le 18 septembre 1944, il réalise le premier numéro du journal La Terre retrouvée qui est imprimé là où le groupe réalisait ses faux papiers sous l’Occupation. Il entreprend également l’édition d’un journal sioniste en yiddish, qui reprend le nom d’un journal clandestin d’obédience communiste, Unzer Wort. Tony Gryn en devient le rédacteur en chef. En parallèle, il met son expérience dans la fabrication de faux-papiers au service de l’immigration clandestine en Palestine.

Fin 1947, en qualité de correspondant d’Unzer Wort, il est présent en Palestine lors des premiers mois de la guerre d’indépendance. Revenu à Paris, il y représente Israël au congrès international des Jeunesses socialistes. Au sein des organisations juives, il occupe de nombreuses fonctions : directeur administratif de la Fédération sioniste de France ; membre du bureau et de la commission administrative de Fédération des sociétés juives de France ; membre du Conseil représentatif des Juifs de France…
En 1957, après la campagne du Sinaï, il quitte définitivement la France pour Israël et y fonde le journal L’Information d’Israël. Il en le rédacteur en chef de 1960 à 1971. Ambassadeur d'Israël au Niger en 1972 puis au Rwanda en 1973, Tony Gryn est correspondant de l'Agence Juive en France de 1974 à 1978.

Il décède le 27 avril 1989, à l’âge de 68 ans, à Holon (Israël).


Auteur : Fabrice Bourrée

Sources et bibliographie :
Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine : 19770900/141 - 19808X39 (dossier de naturalisation).
Service historique de la Défense, Vincennes : 2010 PA 52/84 (fonds du MLN).
Mémorial de la Shoah, Paris : DLXI-35, témoignage de Tony Gryn.
Archives de Yad Vashem, fonds Tony Gryn.

Ruth Fivaz-Silbermann, La fuite en Suisse - Les juifs à la frontière franco-suisse durant les années de la "Solution finale". Itinéraires, stratégies, accueil et refoulement, Paris, coédition Calmann-Lévy/Mémorial de la Shoah, 2020.
Anny Latour, La résistance juive en France: 1940-1944, Paris, Stock, 1970.
Organisation juive de combat : résistance-sauvetage, France 1940-1945, Paris, Autrement, 2006.