Stèle du quartier de Soulier à Allex

Légende :

La stèle se situe en bordure du terrain de parachutage « Temple » à Allex.

Genre : Image

Producteur : cliché Coustaury Alain

Source : © Archives Alain Coustaury Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique couleur.

Date document : 2011

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Allex

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Analyse média

Ce lieu de mémoire commémore une des actions les plus importantes de la Résistance dans la Drôme, le sabotage, dans la nuit du 16 au 17 août 1944, du pont de la route nationale 7 franchissant la rivière Drôme à Livron. Pour y accéder, il faut prendre la route départementale 93 allant d'Allex à Montoison. À deux kilomètres au nord-ouest d'Allex, un chemin de campagne conduit au « plateau » de Soulier. Une section de ce chemin a été dénommé chemin de la Résistance. Une autre porte le nom d'Halifax, type d'avion qui s'est écrasé en Ardèche alors qu'il venait parachuter sur Allex. Il est donc assez difficile de trouver ce monument jouxtant le terrain de parachutages « Temple ». Ceci limite l'efficacité d'un monument qui, par ailleurs, est intéressant à analyser. Mesurant 1,7 mètre de large et 3 mètres de haut, il est constitué, ce qui est rare, de blocs de pierre provenant du pont de Livron que le commando Henri Faure a fait sauter. On utilise le matériel de son exploit ! Il est dominé par un petit parachute symbolisant la réception de parachutages sur le terrain « Temple ». La croix de Lorraine dans le V de la victoire est classique. Une plaque explique les raisons de ce monument. D'abord est rappelé le rôle des Résistants d'Allex et de Livron qui réceptionnèrent des parachutages. Dans ceux-ci, ils trouvèrent l'explosif qui servit à faire sauter le pont. Il est noté que cette action provoqua : « la déroute de la XIXe armée allemande ». L'affirmation est exagérée. L'armée allemande retraita en bon ordre. Il est vrai toutefois que l'interruption de la circulation sur la route nationale 7 causa de grosses difficultés à la Wehrmacht accrochée par les troupes états-uniennes, matraquée par l'aviation alliée lors de ce que l'on appelle la bataille de Montélimar. Il est normal de mettre en valeur ce sabotage d'une grande efficacité. La discrétion de la population locale est bien marquée. Les pierres du pont qui ont servi à l'édification du monument sont prises à témoin.


Auteur : Alain Coustaury

Contexte historique

La vocation première du monument est de rappeler l'épisode du sabotage du pont de Livron. Le 15 août 1944, les troupes franco-américaines débarquent sur les côtes de Provence malgré l'opposition de la XIXe armée allemande. Le 15 août, à 16 heures 30, le capitaine Henri Faure (« Gérard », « Albert ») chef de la SAP (section atterrissage parachutage) reçoit un message du commandant de Lassus Saint-Geniès (« Legrand ») chef des FFI de la Drôme : « Faites sauter le pont de Livron, rendez compte de l'opération ». Le matin du 16, Henri Faure vérifie l'armement disponible. Il effectue une reconnaissance le soir, vers 19 heures. Tous les véhicules allemands présents pendant la journée autour du pont ont disparu. Il ne reste plus qu'un cantonnement d'hommes de la batterie de Flak. Des convois d'artillerie remontent vers le nord vers 21 heures. Henri Faure maintient l'opération. Il fixe le rassemblement du groupe à la ferme Brunel, située 3 km en amont du pont. Le groupe est au complet à 22 heures. Les consignes de sécurité sont précisées. Le départ est donné à 22 heures 30, les hommes approchent du pont en suivant la voie ferrée Livron-Veynes où circulent les trains de Paris à Briançon, ligne ne fonctionnant plus à cause des sabotages. Un groupe de protection est placé au nord du pont. Il est composé de Philippe Monier, Louis Valette, Jean Boyer, Maurice Brunet, Léon Brunel, Pierre Chastel et Jean Mathon. Son armement est constitué d'un fusil-mitrailleur, de mitraillettes, de grenades et de Gammons. Le reste des hommes franchit le pont, courbé, protégé par le parapet en pierre. Le groupe de protection sud se divise en deux, un près de la ferme Courty à 100 mètres du pont avec Raymond Baulac, Raymond Bertalin, Camille Planet, l'autre près du pont, au bord oriental de la route avec Charles Comer, Jean Boulanger, Max Lafont, René Achard et Philippe Vitali. Une fois les protections mises en place, les mineurs opèrent en deux groupes. Commence la phase la plus délicate, creuser à l'aide de barres à mine deux puits de mine à 6 mètres d'intervalle. Afin d'éviter d'être découverts, les sapeurs espacent leurs coups, écoutent, protègent leur barre par des chiffons. Un arrêt du forage est provoqué par l'arrivée de véhicules allemands qui s'arrêtent au campement. Le travail reprend. Après avoir creusé la croûte de la route, on approfondit la cavité avec les mains qui rencontrent du sable. Les trous étant jugés suffisamment profonds, trois cellules de plastic sont placées dans chacun d'eux, un crayon allumeur, une mèche lente. Tout est relié par deux cordons détonants. Après vérification, le groupe de protection sud rejoint le groupe nord. Le repli s'effectue sans problème. Henri Faure et un compagnon allument alors les mèches. Le groupe se replie par la route départementale 93. Quelques minutes après, 180 kg de plastic explosent, détruisant l'arche sud du pont sur 27 mètres, longueur que ne pourront réparer les sapeurs du Génie allemand qui ne disposent pas de travées assez longues. La destruction du pont routier de Livron a eu plusieurs conséquences. Connue très rapidement, les Américains n'ont pas monté une opération aérienne pour le détruire et toucher également la ville de Livron. Il faut rappeler que les bombardements imprécis de ponts ont causé la mort de plusieurs centaines de personnes et entraîné d'importants dégâts à Crest, Saint-Vallier, Valence. Sur le plan militaire, la destruction a fortement ralenti la retraite allemande, sans l'arrêter toutefois, comme il est parfois dit. Le monument d'Allex jouxte le terrain de parachutages « Temple ». Cette proximité n'est pas anodine. Elle a été voulue par les concepteurs du monument. Le premier parachutage réussi sur le terrain du plateau de Soulier a lieu le 5 mai 1944. Trois avions larguent soixante containers contenant surtout des armes, des explosifs et aussi un peu de cigarettes et de chocolat, des conserves et du numéraire mis à la disposition des maquis de la Drôme. Est accueilli un agent radio, Jean Cendral (« Lombard ») qui ensuite rejoint le maquis du Vercors. Les réceptionnistes étaient Henri Faure et Louis Valette. Le 24 juin, l'avion qui devait parachuter sur Temple s'écrase en Ardèche. Le second parachutage a lieu le 25 juillet avec la réception de Sibrillus, agent radio venant d'Alger. Même éloigné des grandes routes, le monument a été l'objet d'une quasi-destruction, il y a quelques années. Cette profanation a-t-elle été le fait d'une volonté délibérée de discréditer la Résistance ou de personnes inconscientes de leur geste ? C'est un exemple de profanation de symboles qui est relatée fréquemment en France et qui montre par là l'importance des enjeux de la mémoire. 


Auteur : Alain Coustaury