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La Sixième ou Service social des jeunes, organisation clandestine des Eclaireurs israélites de France

Légende :

Carte de légitimation de Emmanuel Lefschetz, établie par l'Union générale des israélites de France zone nord (recto-verso).
La carte de légitimation établie par l’UGIF permet à son détenteur de ne "pas être inquiété en sa qualité de Juif et [d’être] tenu en dehors d'éventuelles mesures d'internement. Cette mesure s'étend à sa famille demeurant avec lui".  Ce document a permis à Emmanuel Lefschetz, comme à d’autres membre de la Sixième de bénéficier d’une couverture légale pour leurs actions clandestines.

Genre : Image

Type : Papiers officiels

Source : © Mémorial de la Shoah, Paris (France) Droits réservés

Date document : 1942

Lieu : France

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Contexte historique

Dès les premiers mois de la guerre, les Eclaiteurs isréalites de France (EIF) mettent en place des Maisons d’enfants pour éloigner ces derniers des grands centres urbains puis pour cacher les personnes visées par les lois anti-juives. Les EIF basculent peu à peu dans les actions clandestines d’abord par des actes plus ou moins isolés, souvent réalisés dans le cadre des activités, puis collectivement à l’été 1942.

Ainsi à partir d’août 1942, le très officiel Service social des Jeunes va servir de couverture à l’organisation clandestine que créent les EIF : la Sixième. Ce réseau tire son nom du fait que le Service social des Jeunes (dirigé officiellement par Marc Haguenau alias Colombes) est en fait la 6e section de la Direction Jeunesse de l’Union Générale des Israélite de France (UGIF) dans laquelle les EIF sont contraints de se réorganiser après leur dissolution en novembre 1941 par Xavier Vallat, alors Commissaire Général aux Questions Juives.

En réalité, la Sixième est un mouvement clandestin dont les principes d’action majeurs sont la confection de fausses identités, la recherche de planques pour les jeunes et, parfois, leur passage clandestin en Suisse ou Espagne.

Ce réseau voit d’abord le jour en zone non occupée, où compte-tenu de la situation et des difficultés de se rendre d’une ville à l’autre, il est fortement décentralisé. Ainsi il a à sa tête des responsables nationaux (Henri Wahl alias Chamois, Ninon Weyl-Haït et Denise Levy), assistés par des responsables régionaux. Ceux-ci sont secondés, si possible, par un chef de secteur pour chaque département.

Les membres de la Sixième œuvrent énergiquement pour cacher les enfants, souvent dans des couvents, des écoles ou chez des particuliers. Mais le travail des EIF ne s’arrête pas là, ils s’assurent aussi de la bonne intégration des enfants dans les planques, leur rendent visite et doivent trouver de quoi payer les personnes qui acceptent de les cacher. Certains se spécialisent également dans la confection de faux papiers (cartes d’identité et d’alimentation).
En janvier 1943, 400 enfants ont déjà été placés par la Sixième en zone Sud dont 15% dans les œuvres, c’est-à-dire dans des institutions scolaires et/ou religieuses.

Mais la Sixième participe également à la résistance « nationale » en apportant son soutien à plusieurs organisations de résistance comme Combat, les MUR ou Victoire à qui elle fournit notamment des faux papiers et contribue aux réfractaires et au passage en Espagne de combattants. Elle partage même un laboratoire commun de fabrication de faux papiers avec le MLN. Les membres de la Sixième interviennent également dans l’organisation, le ravitaillement, le recrutement et l’armement de plusieurs maquis du Sud de la France.

La Sixième existe également en zone occupée où elle est créée par Simon Lévitte et Emmanuel Lefschetz (en lien avec Henri Wahl), membres de l’équipe nationale EIF et du Mouvement de la Jeunesse Sioniste (MJS) et secondés par de jeunes chefs EIF : Freddy Menahem et Eddy Florentin. Le travail s’effectue dans des conditions encore plus périlleuses qu’en zone Sud. Il est donc réparti en plusieurs branches de fonctionnement :
- un service de constitution de faux documents (cartes d’identité, d’alimentation, certificats de naissance, de baptême…)
- un service de détection des personnes à secourir, qui fournit papiers, argent et même lieux de camouflage aux rescapés des rafles
- un service de placement, chargé de trouver des abris pour les enfants juifs.
L’organisation générale et la coordination administrative et financière est assurée par Freddy Menahem.

En zone Nord, la Sixième est également en lien avec les autres organisations de résistance et met à leur disposition son laboratoire de faux papiers. Plusieurs de ces membres, comme Freddy Menahem, participent également au combat pour la libération de Paris.

L’action de la Sixième se poursuit jusqu’à la fin de l’Occupation. Après le débarquement allié en Normandie, l’organisation devient strictement féminine, les responsables nationaux des EIF ayant donné aux hommes du réseau l’ordre de rejoindre le maquis. Une partie d’entre eux rejoint le maquis créé par les EIF à la fin de l’année 1943, les autres la lutte armée dans d’autres réseaux ou maquis.

Au total, près de deux cents cadres des EIF ont participé activement à la Sixième et ont ainsi permis de sauver directement environ un millier d’enfants juifs.


Auteur : Mathias Orjekh

Bibliographie :
- Alain Michel, Les Eclaireurs Israélites de France pendant la Seconde Guerre mondiale, Edition des EIF, 1984.
- Mathias Orjekh, Du scoutisme juif à la Résistance : un même engagement. Quelques figures d’un même itinéraire, mémoire de maîtrise (sous la Direction de Danielle Delmaire), 2001 - disponible en ligne