Témoignage dans une classe d'un établissement scolaire

Légende :

Jean Monin, ancien résistant déporté, inlassable passeur de mémoire, intervenant devant des élèves.

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : cliché Charles Chapellier

Source : © AERD Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur.

Date document : courant 2008

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Montélimar

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Analyse média

Une classe de collégiens très attentifs, un professeur discrètement présent : Jean Monin, ancien résistant déporté à Mauthausen, raconte.

Parmi les anciens résistants et déportés survivants et encore alertes, nombreux sont ceux qui, non seulement restent fidèles à leur engagement et aux camarades qui ont partagé leur sort, mais participent très activement à la transmission des faits historiques et des valeurs qui les ont animés. Enseignants et historiens locaux participent nombreux à la connaissance par les jeunes de la Résistance. Mais rien ne remplace le témoignage des acteurs, résistants et déportés, racontant leur vécu. Et ils le font en toute modestie, mais avec beaucoup de conviction. Ils sont tous maintenant largement octogénaires, leurs rangs s’éclaircissent rapidement, il faut se hâter d’écouter leur voix.


Auteurs : Robert Serre

Contexte historique

Né le 6 avril 1927 à La Chaux-du-Dombie (Jura), Jean Monin habitait près d’Annecy. Alors qu’il n’a que 16 ans et demi, il participe à la Résistance comme agent de liaison, accomplissant de multiples missions pour le maquis des Glières.

Le 24 janvier 1944, les Allemands exercent des représailles sur le village de Saint-Martin-Bellevue. Jean est pris et, avec d’autres otages, emmené à la prison d’Annecy. Tous ces hommes sont exécutés, sauf Jean, en raison de son jeune âge et parce qu’il s’est déclaré mitron du boulanger et, de ce fait indispensable à la vie du village. Il subit un interrogatoire. Mais les Allemands ne s’aperçoivent pas que sa carte d’identité est fausse et établie sous son pseudonyme de Résistance, sous lequel il sera d’ailleurs enregistré en déportation. Après quelques jours dans la prison d’Annecy, Jean est emmené à Lyon, à la prison Montluc, puis au camp de transit de Compiègne Royallieu où il attend deux semaines avant d’être déporté à Mauthausen, à peine âgé de 17 ans.

À Mauthausen, il devient le matricule 60 509, Après la quarantaine, il travaille quelques jours à la carrière, remontant sa pierre le soir par les 186 marches du terrible escalier. En juillet 1944, c’est de là que Jean assiste au bombardement de Melk par des forteresses volantes américaines.
Par bonheur, Monin est très vite reversé à un atelier d’assemblage des ailerons d’avions Messerschmitt, situé hors du camp. C’est là qu’il va avoir comme compagnon de travail un garçon aussi jeune que lui, Georges Séguy, le futur secrétaire général de la CGT. Bien que de convictions différentes, l’amitié qui les unit depuis ces moments douloureux partagés en déportation ne s’est jamais affaiblie. Tous deux étaient des jeunes gens pleins d’espoir en leur libération, convaincus de la victoire des Alliés et de l’effondrement du régime nazi et qui voulaient absolument s’en sortir ! Malgré les risques et leurs faibles moyens, ils s’appliquent à saboter quelques pièces.
Une douzaine d’hommes, dont Jean Monin, sont transférés au kommando de Gusen au moment de sa création en mars 1945, pour répondre aux pressants besoins de main-d’œuvre dans les usines d’armement. Ils sont dirigés à pied sur 5 km vers l’énorme camp annexe de Gusen II, travaillant à l’usine souterraine Messerschmitt. Au cours du rassemblement qui suit leur arrivée, un chef nazi demande un ajusteur. Jean Monin, qui ignore tout de ce métier, lance alors : « Moi ! ». On lui confie un pied à coulisse avec lequel il doit effectuer une mesure. « C’est parfaitement juste, pas d’erreur », juge le contremaître. Et voilà comment Jean Monin se trouve « embauché » dans cet emploi. « C’est ce qui m’a sauvé ! », précise-t-il aujourd’hui. On dit souvent que le sort des déportés a tenu à un hasard, à un, ou plusieurs, coups de chance. C’est le cas ici pour Jean Monin, et il en aura d’autres.
Armé d’une craie et d’une lampe frontale, il arpente les souterrains où sont rangés les avions Messerschmitt et visite les carlingues pour y rechercher d’éventuelles fissures. Mais pour un jeune homme tombant de sommeil, après des nuits peu reposantes dans la boue, couché dans d’anciennes écuries, comment résister au confort des lieux ? Aussi Jean ne compte plus le nombre de volées de 25 coups qu’il a reçues pour s’être endormi dans les avions ! Au bout de trois semaines, Jean décide de se présenter à la visite médicale : au Revier de Mauthausen, il est conduit au block des agonisants. Et voilà que la dysenterie se déclenche. Un « médecin » parvient à lui trouver un comprimé. Jean fait prévenir Georges Séguy et son autre copain, José Cereceda, qui travaille au fichier. Ils parviennent à faire sortir Jean du Revier et à le faire remonter au camp.
Jean Monin est libéré le 28 avril 1945 à Mauthausen par la Croix-Rouge Internationale.

Depuis de nombreuses années, Jean Monin se dépense sans compter pour faire connaître ce qu’ont été la Résistance et la déportation. On ne compte plus les classes devant lesquelles il s’est exprimé. Mais il imagine constamment d’autres façons de faire passer le message. Jean Monin a assuré la mise en place et la présentation dans la Drôme d’expositions sur Mauthausen et la déportation qui ont accueilli un nombreux public, en particulier de nombreux groupes de collégiens et lycéens. Il a réalisé un DVD Mauthausen… itinéraire d’un déporté, excellent outil pédagogique d’une durée de 21 mn, sobre et dense, aisément utilisable. Il a créé la section drômoise des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation et apporte une assistance précieuse aux administrateurs de l’association. Il organise chaque année un voyage en Allemagne conduisant une quarantaine de personnes successivement à Berchtesgaden et au « nid d’aigle » d’Hitler, au camp de Mauthausen et ses annexes de Gusen et Ebensee.
En 2009, accompagné par des instituteurs, il a dirigé une randonnée commémorative de 150 élèves à la clairière de la Lance, lieu de rassemblement des maquis de la Lance.
En 2010, il a mis sur pied une randonnée avec 700 écoliers de plusieurs classes drômoises, sur un sentier de la mémoire aboutissant au mémorial de Mirmande. Tous arboraient le même tee-shirt blanc, donné par l'ONAC, siglé "bleuet de France", avec cette inscription « La mémoire se transmet, l'espoir se donne ».


Auteurs : Robert Serre
Sources : Témoignage de Jean Monin. Robert Serre, De la Drôme aux camps de la mort, Valence, Peuple Libre / Notre temps, 2006. Le Dauphiné Libéré, 23/06/2010, 24/04/2011.