Acteurs de la mémoire

La forêt des monuments, stèles et plaques commémoratives ou toponymiques, les musées, etc. pourraient laisser penser que la mémoire de la Résistance, en Drôme comme ailleurs, est désormais balisée pour l’essentiel, les cérémonies traditionnelles se bornant à expliciter des parcours déjà établis.

En fait, avec les "acteurs de la mémoire", nous prenons conscience que le souvenir de la Résistance est gros de signification, se transforme et suscite des activités nombreuses, variées, mobilisant toutes les couches d’âge. Bref, rien n’est figé dans ce domaine.

Évidemment, il n’est pas question ici d’affirmer des prétentions exhaustives, tant le champ est vaste et en pleine évolution : nous nous bornerons à exposer quelques exemples, sachant que la réalité est beaucoup plus riche.

D’abord, les associations d’anciens résistants et déportés étaient souvent soucieuses, par la parole ou l’édition, de rappeler ce passé et d’entraîner la réflexion sur celui-ci. Elles accumulent textes, récits, biographies, photographies, parfois éditent des bulletins de liaison sauvant et précisant des faits de 1943-1944 ainsi que de leur activité présente de mémoire.

Ensuite, la Résistance transmise aux jeunes découvre une multitude d’initiatives, allant de l’organisation de prix départementaux aux témoignages dans les classes, en passant également par l’organisation de marches sur les sentiers empruntés par les maquisards et de spectacles sur les lieux mêmes de leurs anciens campements.
Des parcours de mémoire sur les sites marquant des événements comme ceux du Vercors ou de la bataille de Montélimar, suscitent chez les participants la reconstruction des faits passés au présent, « ou plus exactement en fonction des préoccupations changeantes des présents successifs ».

Des œuvres intellectuelles et artistiques également, dont la Drôme est riche – certaines signées par des Résistants eux-mêmes –, par l’affiche, le dessin, la peinture, la fresque, le film, le livre, le DVD, stimulent l’imagination, l’autorisant à élaborer de nouvelles représentations de la Résistance locale et nationale.

Et puis d’autres exemples de transmission de la mémoire résistante attestent un mouvement singulier de la société départementale vers la connaissance de son passé résistant : visite collective du Musée virtuel dans les villes et les villages lorsque les communes ou les écoles ont acquis l’équipement Internet requis, dans les associations d’agricultrices, projections de film sur la Résistance aragonienne, etc.

La singularité et la force des initiatives des \"acteurs de la mémoire\" montrent à l’évidence que les Drômois entretiennent, comme d’autres en d’autres lieux, une relation originale, active et évolutive avec le temps de la Résistance : cette époque apparaît ainsi, dans le département notamment, comme « un événement fondateur traditionnellement », la remarque étant valable pour d’autres plages historiques. Ce qui induit cette question : « comment les groupes humains se pensent eux-mêmes à travers leur rapport au passé ? » Pour ce qui est de la Drôme, peut-on se demander si l’on est en présence d’une « aire à forte identité » ?

Auteur(s): Claude Seyve, Michel Seyve
Source(s):

Marcot François (sous la direction de), Dictionnaire historique de la Résistance, p.830, 994, 1008, Editions R. Laffont, avril 2006.

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Associations d’anciens résistants et déportés haut ▲

 

Après la guerre, les Résistants et les Déportés ont souhaité se regrouper pour se remémorer les moments de fraternité qu’ils avaient partagés, les difficultés qu’ils avaient traversées, les souffrances qu’ils avaient vécues, les déboires qu’ils avaient rencontrés, mais aussi les victoires qu’ils avaient remportées et le rétablissement de la légalité républicaine auquel ils avaient contribué.

À cette fin, Ils ont créé des associations à plusieurs niveaux. Au niveau de la petite région, ce sont les anciens d’une compagnie qui se sont regroupés dans une amicale. Ce sont les Pionniers du Vercors qui ont souhaité perpétuer le souvenir des combats héroïques et le drame qu’ont endurés les combattants et les habitants du massif. Dans la plupart des départements, les Résistants se sont regroupés dans une Fédération qui a pris, dans le nôtre, le nom de « Fédération des Unités Combattantes de la Résistance et des FFI de la Drôme ».

Ceux qui avaient combattu dans des régiments prestigieux ont ressenti aussi la nécessité de se retrouver : ce sont les amicales du 11e Cuirassiers, de Rhin et Danube, par exemple.

Au niveau national, les différentes catégories ont créé des associations qui, en général, se sont décentralisées au niveau départemental (fédérations) et au niveau plus local (Comités). C’est le cas de l’Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance (ANACR). Les déportés ont créé la Fédération Nationale des Déportés et Internés résistants et patriotes (FNDIRP).

Les prisonniers de guerre ont également éprouvé le besoin de se regrouper.

Outre la volonté et le plaisir de se rassembler pour commémorer leurs expériences communes sous forme de manifestations patriotiques particulières et, souvent, de repas conviviaux, toutes ces associations avaient pour but de défendre les droits de leurs adhérents tant sur le plan général et législatif que sur le plan individuel.

La disparition inéluctable des anciens résistants, déportés ou prisonniers de guerre place ces associations devant des situations dramatiques. Les survivants – les plus jeunes sont nés en 1927 ou 1926 – n’ont plus, parfois, la possibilité de faire vivre les structures qu’ils ont créées. Beaucoup d’amicales, de comités ont dû cesser leurs activités, voire se dissoudre. C’est le cas de la Fédération drômoise de la FNDIRP au 31 décembre 2011.

Certaines comme l’ANACR ont choisi une autre voie ; elle a admis en son sein des adhérents plus jeunes, les « Amis de la Résistance », partageant les mêmes objectifs, les mêmes valeurs ; elle a modifié ses statuts et est devenue l’Association Nationale des Anciens Combattants et Amis de la Résistance (ANACR).

L’Association des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation (AFMD) entend poursuivre le combat et le souvenir des anciens déportés.

On voit parfois apparaître des tensions entre les acteurs véritables craignant qu’on leur enlève leurs prérogatives ou leur pouvoir et les membres plus jeunes n’ayant pas vécu les mêmes épreuves, souhaitant néanmoins perpétuer le souvenir et la défense de ce que leurs anciens ont conquis.

Auteur(s) : Jean Sauvageon

La Résistance transmise aux jeunes haut ▲

Les femmes et hommes ayant participé à la Résistance sont aujourd’hui au moins octogénaires. Les rangs de ces anciens, déjà bien amaigris, s'éclaircissent de jour en jour. Il est urgent de transmettre cette mémoire et, avec elle, la connaissance, l’action, le programme et « l'esprit » de la Résistance.

Les résistants s'en préoccupent depuis longtemps. S'ils n'ont souvent pas trop raconté à leurs enfants, ils le font davantage auprès de leurs petits-enfants. Les plus convaincus acceptent volontiers d'aller témoigner devant des collégiens et lycéens. Leurs associations les font participer à des visites de lieux marquants, (Vercors, montagne de la Lance, Mirmande, camps de concentration…). D'autres initiatives diverses visent à cette transmission aux générations suivantes.

Auteur(s) : Robert Serre

Chemins des lieux de mémoire haut ▲

La Drôme est un département ayant activement participé à la Résistance contre les occupants (italiens et allemands) et contre le gouvernement de Vichy. Les nombreux lieux où se sont déroulées ces actions sont marqués par des stèles, plaques ou monuments commémoratifs.

Pour perpétuer la mémoire de ces évènements, plusieurs associations (Pionniers du Vercors, AFMD, ANACR…) les commémorent en organisant des marches, des randonnées pédestre ou en voitures, se rendant sur ces lieux : – Les chemins du maquis de la Lance, en Drôme provençale. – Les chemins de la Liberté dans le massif du Vercors. – Le chemin des Oubliés dans le Royans. – Les lieux de mémoire sur les Routes de la Résistance, à Saint-Donat. – Du village au Mémorial de Mirmande.

Certains de ces parcours sont destinés à tout public, d’autres sont réservés aux enfants des écoles primaires, en liaison avec l’USEP, avec la participation d’anciens Résistants et historiens.

Auteur(s) : Jean Sauvageon

Oeuvres artistiques et intellectuelles haut ▲

Dans la Drôme, comme partout en France, la Résistance a inspiré les artistes. Des écrivains de renom situent l'action de leur ouvrage dans ce département. On comprend pourquoi Jean Bruller devient Vercors quand on parcourt sa Bataille du Silence. Elsa Triolet place des nouvelles de son recueil Le premier accroc coûte deux cents francs dans différentes communes du nord de la Drôme. Pierre Emmanuel étaie ses réflexions dans L'ouvrier de la onzième heure en relatant son expérience dans la Résistance drômoise à Dieulefit.

Aux livres, il faut ajouter toutes les formes de productions artistiques : le cinéma avec Au cœur de l'orage, la bande dessinée, les monuments comme les mémoriaux, les stèles, monuments aux morts, statues, les vitraux, etc. Le dessinateur Jean Lhuer a œuvré à Piégon, Marcelle Rivier a peint des scènes de la Résistance, Jean-Marc Cerino a orné le chœur de l'église de Vassieux-en-Vercors. Les dernières productions seraient des murs peints comme à Montélier, à Bourg-de-Péage.

La Drôme possède donc toute la panoplie des œuvres artistiques, qu'elles soient matérielles ou virtuelles.

Auteur(s) : Alain Coustaury