La spécificité juive du peloton bleu-blanc

Légende :

Dans cet extrait, Henri Broder, adjoint au commandant du peloton bleu-blanc, revient sur la spécificité juive de cette formation. Il est interviewé par Fania Perez le 14 décembre 1993.

Genre : Film

Type : Témoignage

Source : © United States Holocaust Memorial Museum Droits réservés

Détails techniques :

Durée : 3 minutes

Date document : 14 décembre 1993

Lieu : France - Occitanie (Midi-Pyrénées) - Tarn

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Contexte historique

Au sein du Corps franc de la Montagne noire, fort de quelques 800 maquisards, les jeunes juifs du maquis de l’Armée juive de l’Espinassier doivent constituer un "peloton israélite" dont le commandement est confié au lieutenant Levy-Seckel, dit Leblond. C’est ainsi que, le 6 juin 1944, naît une unité baptisée "peloton Trumpeldor". Ce nom lui est attribué en souvenir du héros juif, officier de l’armée tsariste. Devenu pionnier palestinien et un des chefs de la 1ère Légion juive créée pendant la Première Guerre mondiale par Vladimir Jobotinsky, Trumpeldor est tué à Tel-Haï, à la tête des défenseurs de la colonie lors d’une attaque arabe. Le choix de ce nom n’est pas anodin : il rappelle une dimension du Juif que le temps avait effacé dans les mémoires, celle du Juif combattant pour son intégrité et sa liberté.

Dans son historique du peloton Trumpledor, Henry Broder, adjoint de Pierre Loeb au commandement de cette unité, souligne également cette spécificité juive : "Le peloton juif a rejoint le Corps franc de la Montagne noire. Dans le sein de cette unité, il ne s’est pas perdu. Le capitaine Pierrot [Pierre Loeb, NDLA] a su imprégner nos âmes du caractère sacré de notre mission et nous avons fièrement arboré les couleurs du drapeau palestinien que nous portons sur nos épaulettes". En effet, le nom de leur peloton est déjà une forme de revendication de leur spécificité juive. Ils y ajoutent un second élément de distinction en arborant des épaulettes bleu-blanc, d’où l’autre nom donné à cette unité, le peloton bleu-blanc. Mais leur originalité, leur singularité ne résident pas uniquement dans ces signes extérieurs. Intérieurement, le même idéal les guide : un idéal sioniste…

On peut se demander pourquoi les deux organisations (Eclaireurs israélites et Armée juive) n'ont pas constitué un seul et unique maquis juif. Plusieurs raisons empêchent toute symbiose. D'une part, leurs origines et leurs motivations semblent antinomiques. D'autre part, la création des deux mouvements repose sur des bases distinctes : si les EI ont cherché à composer avec l'Etat français dans un premier temps, pour mieux sauver les jeunes juifs, les membres de l'AJ ont choisi immédiatement la clandestinité. Mais malgré leurs différences, la judéité et leur attachement à cette identité les rapproche. Enfin, éviter de constituer un seul grand maquis juif relève également de la simple prudence. D'autant que ces juifs ne souhaitent, à aucun moment, constituer une force parallèle. Ils se veulent intégrés à la Résistance générale, tout en affichant leur spécificité juive.


Auteur : Valérie Pietravalle

Sources et bibliographie :
Mémorial de la Shoah, DLXXXI-32 : "Le peloton juif Trumpledor au CFMN".
Valérie Ermosilla-Pietravalle, La Résistance juive dans le Tarn 1939-1944, réalités et représentations, mémoire de maîtrise sous la direction de Pierre Laborie et Jean Estèbe, Université Toulouse Le Mirail, 1987.