Gaston Tessier

Légende :

Gaston Tessier, secrétaire général de la Fédération du Textile, signataire du Manifeste des douze et représentant de la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens au Conseil National de la Résistance


Gaston Tessier, the Secretary General of the Fédération du Textile (Textile Federation), signer of the Manifeste des douze (Manifest of  the 12) and the representative of the Confédération Française des Travailleurs Chrétiens (French Confederation of Christian Workers) on the National Council of the Resistance

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Maitron-en-ligne Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc.

Lieu : France

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Contexte historique

Fils d'une mère bretonne et d'un père ouvrier menuisier angevin, Gaston Aimé, Auguste Tessier naquit le 15 juin 1887 à Paris (1er arrondissement) et passa sa jeunesse dans le quartier Saint-Honoré. Elève de l'école paroissiale de Saint-Roch, puis d'une école commerciale dirigée par les Frères des Écoles chrétiennes, il débuta à seize ans, comme petit employé aux appointements de 50 francs par mois.

Le 18 septembre 1905, il adhéra au Syndicat des employés du commerce et de l'industrie (SECI). Dès 1907, Gaston Tessier publia des articles dans L'Employé, organe du syndicat et acquit ainsi une vaste culture personnelle soutenue par une mémoire prodigieuse. En 1912, il devint secrétaire des premiers syndicats ouvriers chrétiens de la région parisienne, puis, en mai 1913, il fut un des fondateurs de la Fédération française des syndicats d'employés catholiques dont il devint, peu après, le secrétaire général. Réformé pendant la Première guerre pour raisons de santé, il poursuivit alors ses activités appointées de secrétaire du SECI.

Lorsque la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens (CFTC) se créa en 1919, Gaston Tessier devint son secrétaire général où il seconda Jules Zirnheld. Il travailla à renforcer les structures de la Confédération qui n'était encore qu'un ensemble composite de syndicats régionaux, soucieux de leur autonomie. Gaston Tessier contribua à l'homogénéisation de la CFTC et à la centralisation de ses structures, tout en se souciant aussi de la formation syndicale : il appuya les initiatives prises par Paul Vignaux qui aboutirent en 1938 à la création des Écoles normales ouvrières. Enfin, il fut un des fondateurs de la Confédération internationale des syndicats chrétiens (CISC) et, en 1921, le secrétaire général de la Fédération internationale des syndicats chrétiens d'employés. Gaston Tessier fut de ceux qui pensèrent alors les grands principes essentiels de la CFTC : profession organisée, famille, recherche d'une "troisième voie" niant le collectivisme et le capitalisme. Favorable à l'autonomie des personnes et des groupements, à une économie humaine fondée sur les besoins, à l'association, il défendit la nécessité "d'une force librement consentie face à l'omnipotence redoutable de l'État et la faiblesse des individus".

En 1939, Gaston Tessier apparaissait donc comme un dirigeant de la CFTC de premier plan. Mais avec la défaite, l'existence de la CFTC, forte alors de 3.000 syndicats et de 400.000 membres, fut remise en cause. Dès la dissolution des confédérations syndicales (9 novembre 1940), Gaston Tessier fut, avec Jules Zirnheld et Maurice Bouladoux, un des trois syndicalistes chrétiens signataires du Manifeste des douze qui regroupait aussi neuf cégétistes parmi lesquels Albert Gazier (employé), Robert Lacoste (fonctionnaire) et Louis Saillant (ouvrier du bois). Premier texte fondamental signé par la CFTC et la CGT, Le Manifeste réaffirma la vocation d'un syndicalisme authentique. Parallèlement, Gaston Tessier participa aux activités du Comité d'études économiques et sociales, constitué à l'automne 1940 par les deux confédérations clandestines. Au même moment, il s'adonna aux "activités de l'ombre" qui structurèrent l'émergence de la Résistance au nazisme ; avec Christian Pineau et Henri Ribière, il fonda Libération-Nord qui regroupa socialistes et chrétiens. En 1943, il fut délégué par le Comité de Résistance des syndicats chrétiens auprès du Conseil national de la Résistance (CNR) dirigé successivement par Jean Moulin, puis par le démocrate-chrétien Georges Bidault. Il devait ensuite siéger au titre du Conseil de la Résistance, à l'Assemblée consultative, où les organisations ouvrières étaient représentées comme telles.

Les activités éditoriales de Gaston Tessier contre l'occupant furent aussi très nombreuses. Dès octobre 1940, il avait participé au comité de rédaction de l'un des premiers périodiques clandestins, L'Arc, fondé par Jules Corréard. Il fut aussi la cheville ouvrière de la Circulaire de liaison des syndiqués chrétiens, éditée par le Comité national de liaison des organisations syndicales chrétiennes où il écrivit de nombreux éditoriaux. Durant ces années, il fut l'un des grands artisans de l'affirmation du mouvement syndical face à l'idéologie corporatiste. Avec Jules Zirnheld et Maurice Bouladoux, il put éviter de graves dérives au syndicalisme chrétien, notamment lorsqu'un certain nombre de syndicalistes, essentiellement venus des employés, ainsi que des évêques (Feltin, Suhart,...), exprimèrent leur attirance à l'égard de la Charte du Travail promulguée le 4 octobre 1941. Ses positions furent parfois empreintes d'une certaine modération à l'égard des autorités de Vichy mais jamais de l'occupant. Ainsi, écrivait-il en janvier 1944 : "Nos thèses (…) semblent rencontrer un meilleur accueil auprès des pouvoirs publics. Nous nous attachons à dissiper l'équivoque du ‘syndicat unique', en montrant que celui-ci peut constituer une liste professionnelle, un cadre administratif mais n'est pas du syndicalisme". Son rôle fut également primordial lors du rapprochement qui s'établit dans la clandestinité entre la CFTC et la CGT, à partir du 17 avril 1943.

A la Libération, Gaston Tessier fut vice-président de la commission du Travail et des Affaires sociales et siégea à la commission des Finances, à l'Assemblée consultative provisoire. Il présida également la commission ministérielle du Ravitaillement, un des premiers services publics, organisé dès l'été 1944. Mais, il s'agissait surtout pour lui de reconstruire la CFTC et de préserver sa singularité doctrinale en se renforçant auprès "des milieux strictement catholiques". En janvier 1944, Gaston Tessier s'était félicité du fait que la CFTC ait pu perdurer en dépit de la guerre. Pour lui comme pour maints dirigeants de la CFTC, la coopération avec la CGT ne mettait pas en cause le pluralisme mais l'unité était davantage perçue sous forme d'un cartel que dans une perspective organisationnelle et monolithique. En septembre 1944, Gaston Tessier défendit l'action commune avec la CGT qui, dans les derniers jours de la Résistance, avait inspiré les mots d'ordre de grève générale, prélude à l'insurrection nationale et à la libération de Paris par les Parisiens.

La scission de la CGT (1947) conforta ses convictions doctrinales et son analyse du paysage syndical français. Gaston Tessier, alors au zénith de sa vie syndicale, fut élu le 17 mai 1948, président de la CFTC. En 1947, il avait accédé à la présidence de la CISC. Durant ces années, il participa aux travaux de l'Assemblée générale des Nations unies ; en 1951, il accomplit un long voyage en Amérique latine, l'un des bastions du syndicalisme chrétien et, en 1952, il succéda à Léon Jouhaux comme délégué ouvrier à la Conférence internationale du travail. Parallèlement, il cumulait les fonctions : membre du Comité exécutif de la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF), membre du conseil du Plan, administrateur du Crédit lyonnais puis, en 1957, conseiller d'État en service extraordinaire.

Pourtant, le cumul de ces titres et de ces fonctions ne peuvent masquer certains échecs. Peu après la Libération, Gaston Tessier fut confronté au développement d'une opposition syndicale avec le courant minoritaire, "Reconstruction", conduit par Paul Vignaux et Gilbert Declerq : cette opposition devait conduire à la scission de 1964 et à la création de la CFDT. Les minoritaires mirent en cause les manifestations religieuses au sein de l'action syndicale (messes, etc.) et le rôle de certains ecclésiastiques dans la vie de la centrale. Le conflit éclata ouvertement fin 1951, sur la question de l'enseignement privé et de son financement par le secteur public. Le 18 janvier 1952, Gaston Tessier rappela avec fermeté l'attachement du syndicalisme chrétien à la liberté d'enseignement. Mais, en dépit du soutien de plusieurs composantes de la CFTC, il perdait du terrain au sein de la centrale. Le 1er mai 1952, plusieurs dirigeants minoritaires se prononcèrent en faveur de la "lutte des classes", toujours condamnée par les principes du catholicisme, ce qui provoqua une crise ouverte. En 1953, Gaston Tessier renonça à se représenter à la présidence de la CFTC ; il en devint le président d'honneur et se consacra essentiellement à la CISC.
Il connut également des déboires sur le terrain politique. Auréolé par sa présence dans la Résistance, le MRP (Mouvement républicain populaire) s'était situé à la Libération, au sens propre et figuré, au centre de la vie politique française. Gaston Tessier siégea à son Comité directeur mais rapidement, des tensions s'élevèrent avec la CFTC, notamment en raison des débats avec sa minorité ; dès mars 1946, Gaston Tessier renonça à siéger à la direction du MRP. Il s'éteignit à Paris, le 8 août 1960. Si d'autres poursuivirent son œuvre, jamais la CFTC ne retrouva après 1964 l'audience qu'elle avait su conquérir grâce à Gaston Tessier.

Décorations :
Officier de la Légion d'honneur, Médaille de la Résistance avec rosette.



The son of a Breton mother and a working class carpenter father from Angers, Gaston Aimé, August Tessier was born June 15 1887 in Paris (1st arrondissement) and spent his adolescence in the Saint-Honoré neighborhood. Growing up at l’école paroissiale de Saint-Roch (Parish school of Saint-Roch), then at a business school run by the Frères des Ecoles chrétiennes, he began working at the age of sixteen as an employee with a 50 franc per month salary.

On September 18th 1905, he joined the Syndicat des employés du commerce et de l’industrie (Commerce and Industry Workers Union, SECI). From 1907, Gaston Tessier published articles in L’Employé, a mouthpiece for the union and, in doing so he acquired a vast intellect supported by a prodigious memory. In 1912, he became Secretary of the first Christian trade unions in the Paris region, then, in May 1913, he was one of the founders of the Fédération française des syndicats d’employés catholiques (French Federation for Catholic Union Workers) which he later became Secretary General of. Not drafted during the First World War for health reasons, he then pursued his duties as Secretary of the SECI.

When the Confédération Française des Travailleurs Chrétiens (French Confederation of Christian Workers, CFTC) was created in 1919, Gaston Tessier became its Secretary General where he was second to Jules Zirnheld. He worked to reinforce the structures of the Confédération, which was still an ensemble of regional unions concerned with their own autonomy. Gaston Tessier contributed to the homogenization of the CFTC and to the centralization of its hierarchy, while also being concerned with the formation of the trade union: He pushed for the initiatives taken by Paul Vignaux who succeeded in the creation of the Ecoles normales ouvrières in 1938. And lastly, he was one of the founders of the Confédération internationale des syndicats chrétiens (International Confederation of Christian Trade Unions, CISC), and, in 1921, the Secretary General of the Fédération internationale des syndicats chrétiens d’employés (International Federation of Christian Workers). Gastion Tessier was one of those who conceptualized the fundamental principles of the CFTC: an organized profession, family, finding a “third way” in order to deny collectivism and capitalism. Supporting the autonomy of both individuals and groups, of human-needs based economy, of collaboration, he defended the necessity “of a voluntary force consenting to face the formidable omnipotence of the State and the frailty of individuals.”

In 1939, Gaston Tessier took over management of the CFTC’s first plan. But with the defeat, the existence of the CFTC, comprised of 3 000 trade unions and 400 000 members, folded as a result. From the dissolution of trade unions (November 9th 1940), Gaston Tessier was, with Jules Zirnheld and Maurice Bouladoux, one of three Christian trade unionists who signed the Manifeste des douze (Manifest of 12) which also regrouped nine members of the CGT, among them were Albert Gazier (worker), Robert Lacoste (administrator), and Louis Saillant (woodworker). The first fundamental text signed by the CFTC and the CGT, Le Manifeste reaffirmed the vocation of authentic trade unionism. Simultaneously, Gaston Tessier participated in the activities of the Comité d’études économiques et sociales (Committee of Economic and Social Studies) established by the two clandestine confederations in the autumn of 1940. At the same time, he turned his attentions to the “shadowy activities” which emerged as the Resistance response to Nazism; with Christian Pineau and Henri Ribière, he founded Libération-Nord, comprised of socialists and Christians. In 1943, he was delegated by the Comité de Résistance des syndicats chrétiens to the National Council of the Resistance, managed successively by Jean Moulin, and then the Christian-Democrat Georges Bidault. As a representative on the CNR, he also sat on the Assemblée consultative (Consulting Assembly), where workers organizations were represented.

Gaston Tessier also published numerous editorials against the Occupation. From October 1940, he had participated on the editorial committee of the first underground periodical, L’Arc, founded by Jules Corréard. He was also the backbone of la Circulaire which connected Christian trade unions, edited by the Comité national de liaison des organizations syndicales chrétiennes (National Liaison Committee of Christian Trade Unions) for whom he wrote frequent editorials. During these years, he was one of the biggest proponents of the trade union movement in the face of ideological corporatism. With Jules Zirnheld and Maurice Bouladoux, he could prevent serious deviations from Christian trade unionism, particularly when a number of trade unionists, mainly employees, as well as some Bishops (Feltin, Suhart…), expressed their regard for the Charte du Travail (Work charter) that was announced on October 4th 1941. His positions against the Vichy authorities were sometimes moderate, but never towards the occupying Germans. Thus, he wrote in a letter in January 1944: “Our theories (…) seem to garner a better reception from the public authorities. We are attempting to clarify the ambiguity of the “only labor unions,” by illustrating that they can establish a professional roster, an administrative framework without being unionist. His role was equally vital to the emerging relationship established in the underground between the CFTC and the CGT, from the 17th of April 1943.

At the Liberation; Gaston Tessier was vice-president of the commission du Travail at des Affaires sociales (Labor and Social Affairs Committee) and sat on the commission des Finances (Financial Commission) and on the Assemblée consultative provisoire (Provisional Consulting Assembly). In addition, he presided over the commission ministérielle du Ravitaillement (Ministerial Committee of Food Supply), one of the first public services organized in the summer of 1944. He was most preoccupied with the reconstruction of the CFTC and the preservation of its singular conformity to including only those within “strictly Catholic circles.” In January 1944, Gaston Tessier was happy to find that the CFTC could continue despite the war. For him as well as many other managers of the CFTC, coordination with the CGT was not a question of pluralism but perceived as more of a consortium than from an organization or monolithic prospective. In September 1944, Gaston Tessier defended their collaborative action with the CGT who, in the final days of the Resistance, had inspired a general protest preceding the national insurrection and the Liberation of Paris by the Parisians.

The division of the CGT (1947) confronted their rigid convictions and the landscape of the French trade unions. Gaston Tessier, then at the zenith of his union career, was elected on May 17th 1948 as the president of the CFTC. In 1947, he had been promoted to the presidency of the CISC. During this time, he participated in the work of the Assemblée générale des Nations unies (General Assembly of the United Nations); in 1951; he made a successful journey to Latin America, one of the bastions of Christian trade unions and, in 1952, he succeeded Léon Jouhaux as worker delegate at the Conférence internationale du travail (International Labor Conference). At the same time, he accumulated these functions: member of the Comité exécutif de la  Fédération nationale de la mutualité française (National Federation of French Mutuality, FNMF), member of the conseil du Plan, administrator of bank Crédit Lyonnais, and then, in 1957, conseiller d’Etat (State advisor) under the status of extraordinary civil service.

The culmination of these titles and their functions couldn’t hide a certain number of failures though. Shortly after the Liberation, Gaston Tessier was confronted with the development of an opposing trade union with the current minority, “Reconstruction,” constituted by Paul Vignaux and Gilbert Declerq: this opposition furthered the 1964 divide, and led to the creation of the CFDT. The minorities reflected the religious conflicts at the heart of the trade unionist movement and the role of certain ecclesiastics at its center. The conflict visibly escalated towards the end of 1951, over the question of private schooling and it’s funding by the public sector. January 18th 1952, Gaston Tessier recalled with confidence the Christian trade unionist attachment to the freedom of teachings. But despite the support of multiple components from the CFTC, he lost ground at the heart of the center. On the 1st of May 1952, many minority leaders proclaimed themselves in favor of the “class war,” still condemned by the principles of Catholicism, which provoked an all out crisis. In 1953, Gaston Tessier resigned from his post as the president of the CFTC; he then became honorary president and essentially devoted himself to the CISC.

He was equally aware of the setbacks on the political stage. Well-known for its presence in the Resistance movement, by the time of the Liberation the MRP (Mouvement républicain populaire, Popular Republican Movement) was, literally and figuratively, at the heart of political French life. Gaston Tessier was named its Committee Director but quickly, following elevated tension with the CFTC, once again due to debates with the minorities, he resigned as director of the MRP in March 1946. He passed away in Paris on August 8th 1960. Though others continued his work, the CFTC never recovered the same influence it had maintained in 1964 thanks to Gaston Tessier. 


Michel Dreyfus, " Gaston Tessier " in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004.


Traduction : Gabrielle Ciceri