Déclaration individuelle des Juifs

Légende :

Document relatif à l’application des mesures antijuives.

Genre : Image

Type : Document officiel

Source : © Collection Robert Serre Droits réservés

Détails techniques :

Imprimé format 21 x 27 cm.

Date document : 1941

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme

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Analyse média

La déclaration comprend au recto les renseignements d’état civil des quatre grands-parents et du conjoint, nécessaires pour la détermination de la « race » selon les critères de la législation vichyste.
Au verso : déclaration de la profession, des services militaires, des diplômes universitaires et distinctions honorifiques, déclaration des biens.


Auteurs : Robert Serre

Contexte historique

Si les dangers qui pèsent sur eux sont plus prégnants dans le nord de la France, le sort réservé aux Juifs est peu différent selon qu’ils sont en zone libre ou en zone occupée. L’étoile jaune n’a jamais été instaurée dans la zone Sud, par contre, le tampon « Juif » est apposé sur les cartes d’identité. C’est pourquoi, par exemple, le 21 janvier 1943, le commissaire de police de Valence arrête Georgette Guedj pour l’absence de la mention prescrite sur sa carte d’alimentation. Le 6 février 1943, à Crest, le chef du GTE (Groupe des travailleurs étrangers), Paul Texier, dénonce aux gendarmes Szlama Rumel, un Polonais en France depuis 1921, parce que son permis de conduire ne porte pas la mention « Juif ». À Crest encore, le 9 août 1943, les gendarmes arrêtent un Israélite : dans la colonne « crimes et délits » du procès-verbal, ils indiquent « défaut d’inscription de la mention JUIF sur sa carte d’identité »…

Faisant suite à la dénaturalisation des Juifs français et à la suppression du délit d’injure ou diffamation pour des motifs de religion ou de race, qui permet le déchaînement ordurier contre Juifs, métèques et autres sans crainte de poursuites judiciaires, le 3 octobre 1940, le premier Statut des Juifs est publié, de la propre initiative du gouvernement de Vichy, même s’il s’est inspiré de la législation nazie. Ce texte va d’ailleurs plus loin que l’ordonnance allemande lorsqu’il définit le Juif marié à une Juive à partir de seulement deux grands-parents juifs.
Le 13 octobre 1940, le préfet de la Drôme envoie cette loi aux maires, aux administrations, aux chefs d’entreprise concernés et demande à chacun de faire remplir les déclarations : « Je, soussigné, déclare sous la foi du serment ne pas être d’origine israélite aux termes de la loi du 3 octobre 1940 », texte qui doit être recopié de la main du signataire. Le 15 novembre, en demandant aux maires les déclarations à fournir par les employés municipaux, il emploie un autre vocabulaire, désignant les personnes concernées par « appartenant à la race juive ». Le 4 octobre, Vichy décide l’internement des « étrangers de race juive » dans des camps.
Une note de service du 25 octobre 1940 émanant de la préfecture de Valence prie les chefs de service « de bien vouloir inviter chaque employé à faire connaître par une déclaration sur papier libre, qu’il n’est pas d’origine ISRAELITE. Cette déclaration devra être faite sous la foi du serment et remise DÈS CE SOIR au cabinet. A titre indicatif, sont réputées d’être d’origine israélite ceux qui sont issus de trois grands parents de race juive ou de deux grands parents de la même race si son conjoint lui même est juif ». Peu après, le préfet questionne « d’extrême urgence » tous les fonctionnaires.

Le 2 juin 1941 paraît le deuxième Statut des Juifs, un texte d’initiative entièrement française, beaucoup mieux étudié que le premier, dans lequel la liste des emplois interdits s’allonge et qui exige un recensement des Juifs, opération qui aura de graves conséquences par la suite. Le 17 juillet, le préfet Yves Hamon adresse aux maires ce nouveau statut du 2 juin, accompagné des imprimés de déclaration, et met en place les opérations de recensement : Le maire doit prendre un arrêté astreignant tous les Juifs, quel que soit leur âge, à se rendre à la mairie avant le 31 juillet pour y remplir leur déclaration. Ceux qui sont connus et qui ne le feraient pas seront signalés par le maire. L’arrêté municipal sera affiché, annoncé dans la presse ou « diffusé à son de trompe ou de caisse ».

En janvier 1942, Vichy relance le recensement des juifs. Les maires de nos villages drômois répondent peu, même ceux nommés par Pétain ou par le préfet. Les résultats de ce recensement indiquent la présence dans la Drôme de 967 Juifs de plus de quinze ans, dont 222 étrangers, à la date du 15 mars 1942. Il semble toutefois que les Juifs étrangers internés au GTE de Crest ne figurent pas dans cet effectif. On peut avancer qu’un tiers seulement des Juifs a été recensé. D’ailleurs, en janvier 1943, les services de la préfecture sont mis dans l’obligation, sur injonction de la Milice de Vichy, d’avoir à fournir d’urgence une nouvelle liste nominative de tous les Juifs résidant dans le département.

Une loi votée le 4 octobre 1940, le lendemain du Statut des Juifs, fixe le sort des « ressortissants étrangers de race juive ». Ceux-ci « pourront être internés dans des camps spéciaux par décision du préfet du département de leur résidence ». Les premiers camps avaient été créés par le gouvernement Daladier. L’aggravation de la situation et la déclaration de guerre provoquent une rapide extension des mesures d’internement, frappant les « étrangers indésirables » ressortissant des pays adverses, fussent-ils des républicains espagnols, des antifascistes italiens, des Allemands antinazis ou des Juifs réfugiés en fuite. Pétain arrivant au pouvoir hérite de cette législation et des structures. le régime de Vichy va très vite leur donner un développement considérable : environ 500 camps vont ainsi reprendre vie ou s’ouvrir sur le territoire français, dont ceux de Montélimar et de Loriol dans la Drôme. À la fermeture de celui de Montélimar, les Juifs étrangers seront assignés à résider dans la ville, ce qui ne sera pas sans conséquence à l’heure des rafles. Le GTE de Crest deviendra aussi un moyen efficace de « stocker » en attente des hommes à déporter, en particulier les Juifs étrangers, cette monnaie d’échange que Vichy utilisera dans ses négociations avec les Allemands et qu’il lui sera facile de prélever à la demande.


Auteurs : Robert Serre
Sources : ADD, 711 W 76-7/4M9, 9 J 4, 268 W 6. 558 W 10. AC Crest, pièce non classée. Robert Serre, De la Drôme aux camps de la mort, Valence, Peuple Libre/Notre Temps, 2006. Lettres de Drancy. Léon Poliakov, L’étoile jaune. Cl. Genest, Tain. Serge Klarsfeld, Vichy-Auschwitz, la solution finale du problème juif, Fayard, 2001. Henri Rousso, Le syndrome de Vichy. Collectif, Des indésirables, les camps d’internement et de travail dans l’Ardèche et la Drôme durant la Seconde Guerre mondiale. Le Crestois n° 2 155 du 26 juillet 1941.