Une page de la liste du transport de déportés juifs n° 24 du 26 août 1942

Légende :

Des Juifs, réfugiés dans la Drôme, ont subi plusieurs rafles et ont été déportés.

Genre : Image

Type : Document officiel

Source : © Archives du CDJC - Mémorial de la Shoah Droits réservés

Détails techniques :

Feuille 21 x 27 cm dactylographiée.

Lieu : France - Ile-de-France - Seine-Saint-Denis - Drancy

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Analyse média

Les nazis établissaient méticuleusement les listes avec date de naissance et nationalité des Juifs embarqués en déportation.
Le document présenté ici est une feuille de transport de Juifs de la gare de Bourget-Drancy vers Auschwitz. On peut y lire les noms des Travailleurs étrangers juifs enlevés à Crest avant le 25 août 1942 : Roth Géza, Lewandowski Gérard, Sommer Walter, Reder Édouard, Weil David.


Auteurs : Robert Serre

Contexte historique

Avant la grande rafle du 26 août 1942, des arrestations de Juifs étrangers dans la Drôme avaient alimenté les premiers convois vers Auschwitz.

Les autorités de Vichy organisent l'arrestation des Juifs et la police y collabore, sachant très bien qu'elle se poursuit par la déportation. Une entrevue de Laval avec le chef suprême SS Oberg a permis de se mettre d'accord sur des termes vagues et pudiques : officiellement, les déportés vont « travailler à l'Est ». Localement, les autorités répètent ce prudent discours. L'un des internés du GTE (Groupes de travailleurs étrangers) de Crest, le Tchèque Nicolas Rappaport, a laissé un compte-rendu dans lequel il écrit : « On n'employait pas alors le mot déportation mais suivant les paroles du commandant "on envoyait des travailleurs là où la main-d’œuvre manquait". Il ajoutait même que ces travailleurs y étaient mieux qu'à Crest, mais nous n'avions pas confiance. »

Saint-Rambert-d’Albon juillet 1942 :
À Saint-Rambert-d’Albon, en fin d'année 1940, une quarantaine de juifs étrangers sont accueillis par la mairie et la population. Sans méfiance, la mairie adresse à la préfecture, en janvier 1942, le recensement demandé par cette dernière et portant sur « les juifs étrangers ou naturalisés, établis ou réfugiés en France depuis 1936 ».
Les conséquences seront terribles : au mois de juillet, la police française vient arrêter treize Polonais, deux Roumains et un Russe. Déportés, ces derniers ne reviendront pas des camps.

Ce sont : Berger Nignes 37 ans, et son épouse Berger Wilhelmine née Eisenberg 37 ans, Elbaum Kiwa ou Kirva, plombier, 50 ans, son épouse Elbaum Rosa ou Royza 54 ans et leurs filles Elbaum Fanny 16 ans et Elbaum Marie 14 ans, Greif Adolf 45 ans et Greif Fanny 49 ans, Kudermann Jacob, professeur de musique de 56 ans, Leibowitz Zérémiaz ou Jérémie, diamantaire, 31 ans, son épouse Leibowitz Estérel, née Ofmann, 28 ans, et leur fille de 6 ans Leibowitz Céline, Salberg Rurka ou Rocoka, couturière de 43 ans, Salberg Ruth 17 ans, Spatz ou Sfartz Aron, 47 ans, lithographe, Spatz Reine (née Reisel ?) 44 ans.

Tous sont partis vers Drancy avant de monter dans les wagons de Déportation des convois n° 25 du 28 août 1942 et n° 27 du 2 septembre vers Auschwitz. Seule exception : les deux filles de la famille Elbaum, Fanny et Marie, se trouvaient à Pujols (Lot-et-Garonne). De là, elles ont été amenées au camp de Rivesaltes où l'on rassemblait les adolescents de 15 à 18 ans dont les parents avaient déjà été livrés et déportés. Puis elles sont embarquées dans le convoi n° 33 le 16 septembre 1942. Leur cas a fait partie de l'acte d'accusation dressé contre Bousquet. Tous ont été gazés probablement dès leur arrivée à Auschwitz.
Esther Goldfarb, juive de 24 ans originaire de Metz, secrétaire du marché au cuir à Bourg-de-Péage, est arrêtée le 4 août 1942 hors de la Drôme. Elle restera emprisonnée à Pithiviers et Beaune-la-Rolande avant de rejoindre Drancy pour le départ du 13 février 1943 vers Auschwitz où elle est immédiatement exterminée.

Les Travailleurs étrangers juifs enlevés à Crest avant le 25 août 1942 passeront très rapidement, avant la fin août, dans les trains les emmenant à Auschwitz. Aucun n'en est revenu :
- Convoi n° 18 du 12 août 1942 : Le Russe Salomon Rappoport, 39 ans. Dans ce convoi s'ajoute l'Allemande Hella Baer, première victime de la politique antisémite à Montélimar où elle était en résidence, probablement forcée, après avoir quitté le camp de Gurs. Elle est déportée dès le 12 août 1942 à Auschwitz et exécutée immédiatement.
- Convoi n° 20 du 17 août 1942 : L'Allemand Paul Raphaëlson, 46 ans.
- Convoi n° 24 du 26 août 1942 : Les Allemands Arthur Bi(e)ber, 36 ans, Walter Fusch, 36 ans, Helmut Ginsberg, 25 ans, Gerhard Lewandowski, 32 ans, Kurt Servos, 38 ans, Walter Sommer, 40 ans, David Weil, 42 ans. Les Autrichiens Mattias Entner, 47 ans, Edouard Reder, 21 ans, Géza Roth, 44 ans.
Hans Hirsch, 30 ans, interné au GTE, est également dans ce convoi, mais on découvre que son épouse Berta, 26 ans, est du voyage : était-elle encore en Belgique où tous deux s'étaient d'abord réfugiés en fuyant leur ville de Köln (Cologne) ou était-elle venue le rejoindre à Crest ? On y trouve aussi Félix Hammerschalag, 51 ans, et Isaac Charach, 48 ans, tous deux appréhendés à Valence, le 17 avril 1942. Ils prennent le chemin d'Auschwitz où ils mourront.
- Convoi n° 25 du 28 août 1942 : L'Autrichien Samuel Bartfeld 28 ans.


Auteurs : Robert Serre
Sources : Vincent Giraudier, Hervé Mauran, Jean Sauvageon, Robert Serre, Des indésirables, les camps d’internement et de travail dans l’Ardèche et la Drôme durant la Seconde Guerre mondiale, éd. Peuple Libre et Notre Temps, Valence 1999. Robert Serre, De la Drôme aux camps de la mort, Valence, Peuple Libre/Notre Temps, 2006.