Simone Monnier, Marguerite Soubeyran et Catherine Kraft

Légende :

Les « trois fées » de l'école de Beauvallon à Dieulefit.

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : Inconnu

Source : © Collection Simone Monnier Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique noir et blanc.

Date document : Sans date

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Dieulefit

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Analyse média

Photographie représentant « les fées » de l'école de Beauvallon à Dieulefit, selon l'expression d'Andrée Viollis.
De gauche à droite : Simone Monnier, Marguerite Soubeyran et Catherine Kraft.


Auteurs : Robert Serre

Contexte historique

Pendant les vacances de l'été 1941, l'école de Beauvallon dirigée par Marguerite Soubeyran à Dieulefit héberge huit Juifs envoyés par l'œuvre de secours aux enfants (OSE) venant de l'école de la Bourboule, appartenant à la fondation Rothschild et qui a été dispersée. Peu à peu, le camouflage de Juifs va se développer à Dieulefit, abrité par la complicité, ou au moins le silence, des habitants. mademoiselle Soubeyran, ainsi que Catherine Kraft et Simone Monnier, enseignantes, ont intégré un réseau de Résistance en contact avec la Grande-Bretagne. Au début de l'année 1943, la « colonie juive » de Dieulefit utilise de nombreux faux papiers réalisés entre autres par la secrétaire de mairie Jeanne Barnier, âgée de 21 ans, qui établit pour les enfants de « vraies » fausses cartes d’identité et d’alimentation. Jeanne Barnier cache aussi une petite fille juive, Cécilia Rosembaum, sous le nom de Cécile Roman. Ramenée dans le Midi à la demande de sa famille, la petite Cécilia sera arrêtée, déportée et mourra en Allemagne.

« Dans l’école, une vingtaine d’enfants juifs sont cachés, tandis que leurs parents sont hébergés dans une pension voisine. À Beauvallon, sont recueillis une partie des enfants qui provient du château de la Guette. Trois enfants parmi ceux recueillis provisoirement par l’école demeurent à Beauvallon fondus au milieu des autres enfants. »

Dans l’école secondaire de la Roseraie, Pol et Madeleine Arcens abritent aussi plusieurs adolescents juifs. Les gendarmes alertent les réfugiés juifs lorsque des rafles se préparent.

Le 26 août 1942, jour de la grande rafle, alors que Marguerite Soubeyran est absente de Dieulefit, trois enfants juifs de la maison de Beauvallon sont enlevés par les gendarmes : Werner Matzdorff, Helmut Mayer et Schwartz. Dès son retour, Marguerite Soubeyran accompagnée de Simone Monnier viennent à Crest « où l'on parque dans un camp [le GTE (Groupe de travailleurs étrangers)] tous les Juifs étrangers raflés » pour essayer de faire libérer leurs élèves. Marguerite raconte :
« À Crest, nous avons vu nos enfants dans la cour où ils étaient rassemblés ». Les deux femmes « s'emploient alors à les réconforter. Les chefs français du camp ne sont d'ailleurs pas très fiers du rôle qu'on leur fait jouer : ils auraient bien aimé aider les deux femmes, mais les listes des noms ont été établies et envoyées une demi-heure plus tôt. Laisser fuir ces garçons aurait été un risque trop grand pour eux ».

Les détenus ont été conduits à l'arsenal de Vénissieux où les deux femmes se rendent aussitôt et retrouvent, parmi beaucoup d'autres enfants, leurs trois protégés. Un comité formé de Joseph Weil et Charles Lederman, de l’OSE, Georges Garel, beau-frère de Lederman, Claude Gutman des Éclaireurs israélites de France, des pères Glasberg et Chaillet de l'Amitié chrétienne et de Gilbert Lesage, chef du Service social des étrangers, s'affaire déjà à sauver au moins les enfants. En falsifiant les listes, ils réussissent à en faire libérer une cinquantaine. Les trois garçons (et même un quatrième) peuvent revenir à Dieulefit. Pour les autres, dans la nuit qui suit, à Lyon, «un convoi est formé et part vers "Nuit et brouillard"». Cette affaire fut l'occasion de mettre en place le premier réseau de sauvetage d’enfants juifs dans la zone Sud, sous la direction de Georges Garel. Lyon, Valence, Limoges et Toulouse en étaient les quatre directions régionales. Le même jour, d'autres Juifs sont pris à Dieulefit, six ou sept Allemands et un Italien, écrit Sandrine Suchon, dans son livre Résistance et Liberté mais on ne peut préciser davantage de qui il s'agit.

L'inspecteur du Commissariat général aux questions juives (CGQJ) fait une enquête sur la « colonie juive » de Dieulefit en janvier 1944 : il semble impuissant à découvrir les Juifs cachés, malgré le fait que les services officiels – gendarmes et maire – sont, selon cet inspecteur, bons et loyaux. Il conclut alors qu'il n'existe plus qu'un seul Juif à Dieulefit « en règle avec les lois et [qui] ne se livre à aucune activité suspecte ». L'erreur ou les limites d'investigations de l'inspecteur antisémite sont ici flagrants : « La colonie juive qui existait au début de 1943 s'est volatilisée par peur des autorités d'occupation ». L'inspecteur du CGQJ sait seulement que les Juifs invisibles ont des faux papiers qui ont été créés dans ce bourg.

En avril 1944, plusieurs garçons juifs, réfugiés à l'école de Beauvallon de Dieulefit depuis 1941, dont Werner Matzdorff et Helmut Meyer, rejoignent les FFI (Forces françaises de l'intérieur). Ils ont 18 ans.

L’action de Dieulefit pendant la guerre peut être comparée à celle du Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire), elle illustre parfaitement la résistance silencieuse en faveur des persécutés et particulièrement des enfants.

Nyons

De nombreux Sarrois se sont réfugiés à Nyons après l’annexion de la Sarre. C’est en décembre 1942 que s’est réuni pour la première fois à Valréas, sous la présidence du pasteur Seignol, un groupe d’une dizaine d’hommes venant des cantons de Saint-Paul-Trois-Châteaux, Valréas et Nyons, tous participant à l’entraide aux Juifs. Ce premier contact avait pour but de mettre au point une action effective et organisée de Résistance hors des partis politiques. L’organisation étant née spontanément n’a pas de chef, le Comité directeur est souverain. Elle donnera naissance à une organisation de résistance qui rejoindra l’AS (Armée secréte) en février 1943. Dès ce moment, Amédée Téna, de Valréas, prend la direction de son groupe de résistants : « les juifs sont de plus en plus traqués, je m’organise pour la fabrication de fausses cartes d’identité. [...] Nous avons notre imprimerie clandestine à Valréas ». Le 20 janvier 1944, des Résistants de la préfecture préviennent leurs amis du Nyonsais de l’arrestation imminente de réfugiés juifs. Ceux-ci sont évacués à Vinsobres. Malheureusement, se croyant tirés d’affaire, ils reviennent à Nyons quelques jours après. Ce sera pour s’y faire prendre.


Auteurs : Robert Serre
Sources : Robert Serre, De la Drôme aux camps de la mort, Valence, Peuple Libre/Notre Temps, 2006. Israël Gutman, Lucien Lazare, Dictionnaire des Justes, Yad Vashem Jérusalem, librairie A. Fayard Paris, 2003. Fédération des Unités combattantes de la Résistance et des FFI de la Drôme, Pour l’amour de la France, Peuple Libre Valence 1989, 495 p. Anne Vallaeys, Dieulefit ou le miracle du silence, récit, Fayard, 2008. Suchon Sandrine, Résistance et Liberté, éditions A. Die, 1994. Vilhet Albin, La Résistance dans le Nyonsais, Notre Temps, Valence 1982.