La libération de Gap, 20 août 1944

Légende :

Les FFI entrent dans Gap - 20 août 1944

Genre : Image

Type : Photographies

Producteur : Clichés : Marcel Barès

Source : © AD Hautes-Alpes - 2 FI 119, versement du CD Résistance Droits réservés

Détails techniques :

Photographies analogiques en noir et blanc (voir aussi l'album lié).

Date document : 20 août 1944

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Hautes-Alpes - Gap

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Analyse média

Cette photographie, prise le 20 août 1944, présente l’entrée dans Gap d’un commando de 22 FFI défilant en colonne par trois, fusil à l’épaule, acclamés par les habitants. Selon le récit recueilli par Richard Duchamblo (Maquisards et Gestapo, seizième cahier, 1949, p. 30), le commando FFI qui a dévalé le col Bayard après avoir obtenu sans combat la reddition du poste allemand (composé de nombreux Polonais) défile dans les rues : « Les Allemands se terrent dans les casernes, atterrés. Le commando, formé de 22 hommes, se met en colonne par trois et défile dans les rues. Les habitants pavoisent et sautent dans les rues. Les vingt-deux Français font un tel tapage qu’ils donnent l’impression d’être des centaines ». Ce défilé au centre-ville, de l’un des huit commandos ou colonnes qui participèrent à l’encerclement de la ville, ainsi que la présence d’habitants en liesse et l’arrivée des blindés américains, laissent penser que les pourparlers de reddition de la garnison entre le Commandant allemand Herman et un officier américain, le Capitaine Brown, ont abouti et que la ville a été libérée.

L’une des conditions en était que les Américains regroupent et protègent de la vindicte publique et d’éventuelles représailles des maquisards, les quelque 850 prisonniers qui ont reçu l’ordre de déposer les armes et de se rendre. 

Les autres photographies de l’album montrent l’avancée dans la ville des blindés et des véhicules américains salués par les Gapençais. Les nombreux prisonniers allemands sont quant à eux regroupés.


Auteur : Jean-Pierre Pellegrin

Sources :

Richard Duchamblo, Maquisards et Gestapo (19 cahiers), Gap, imprimerie Ribaud, 1945-1950 et Vingtième cahier, Gap, Librairie des Hautes-Alpes, 1995.

Contexte historique

Dès juillet, dans la perspective du débarquement attendu en Provence, le CDL clandestin avait demandé à Paul Héraud, alias Commandant Dumont, chef des FFI du département, de préparer un plan d’insurrection et de libération de la ville. Ce plan consistait, lors de l’approche des troupes alliées,  à déployer autour de la ville des unités FFI et à contraindre à la reddition les troupes d’occupation (de l’ordre de 850 hommes), dont les déplacements étaient paralysés par les attaques incessantes des maquis. Ce plan fut exposé le 8 août par son auteur à la mission interalliée Confessionnal, qui l’approuva pleinement. Mais, le lendemain, Paul Héraud était abattu lors d’un barrage routier près de Tallard.

Le 19 août, à l’annonce de l’arrivée de la Task Force Butler, fut décidée l’opération d’encerclement de la ville par 9 unités FFI – dont l’une, composée des commandos du Commandant Drouot-Lhermine, ex-chef FFI de la Drôme, remplacé et installé dans le Champsaur. Contre l’avis de Drouot Lhermine – qui, prétextant un ordre reçu d’Alger, veut déclencher l’attaque avant l’arrivée des Américains, le Commandant Moreaud, successeur de P. Héraud, prit contact avec le général Butler et le convainquit de dépêcher un détachement blindé vers Gap.
Après quelques tirs d’obus et la destruction d’un poste allemand ainsi que la neutralisation par les FFI d’autres postes, des transactions entre un officier américain et le commandant allemand-chef de la garnison aboutirent à sa reddition et à un ordre de cesser le feu. Tandis que les « libérateurs » et la population en liesse envahissaient la ville, en se livrant à quelques exactions et vengeances, les officiers américains prenaient en charge les prisonniers. L’annonce, au cours de la nuit, de l’arrivée d’une colonne allemande de secours venant de Grenoble faillit remettre en cause ce succès, mais elle fut repoussée et dut refluer.

Selon les mots de Francis Cammaerts, chef d'un réseau du SOE britannique, chargé de coordonner l’aide et les parachutages dans la région et témoin de l’événement, « Si on considère le nombre de vies épargnées et sauvées, cette libération fut une immense réussite ».[1]  Et il « rendit hommage à la résistance haute-alpine, qui a si bien su harceler l’ennemi pour obtenir une libération presque en douceur ».

À noter que, depuis peu, cet exploit a été attribué au seul Commandant Lhermine qui prétendit « avoir libéré Gap avec les 700 hommes (en réalité une quarantaine) de ses commandos et obtenu la reddition de quelque 1 200 soldats des forces allemandes » ; thèse  reprise complaisamment par une récente émission de télévision* et par des sites internet ou pages Wikipedia, peu soucieux de vérifier les faits [2].


Auteur : Jean-Pierre Pellegrin

Sources et références :

[1] Interviewé et cité par Harry Roderick Kedward, In Search of the Marquis, Resistance in Southern France (1942-1944), Oxford University Press, 1993, p. 389.

[2] Jean-Pierre Pellegrin, « La libération de Gap : un événement providentiel, des récits controversés », Bulletin de la Société d’Études des Hautes–Alpes, année 2001, pp. 101-123.

* Documentaire « Histoire interdite : la face cachée de la Libération de la France ».