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Journal des Volontaires de la Liberté : Le Tigre

Genre : Image

Type : Presse clandestine/ Clandestine Press

Source : © Archives nationales, fonds Défense de la France (don Jean-Marie Delabre) Droits réservés

Lieu : France - Ile-de-France

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Contexte historique

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Le mouvement les Volontaires de la Liberté, créé en avril 1941, est né dans le milieu des élèves des grandes classes (terminales et classes préparatoires aux Grandes écoles) des lycées parisiens, en particulier Louis-le-Grand et Henri-IV. Il comptera jusqu'à plusieurs centaines de membres en 1943.
Jacques Lusseyran, alors élève de philosophie au lycée Louis-le-Grand, aveugle depuis l'âge de sept ans et demi, en est un des principaux initiateurs.

L'action résistante de ces jeunes gens passe, dans un premier temps, essentiellement par la propagande. À la fin du mois de mai 1941, un comité central est mis en place afin d'oeuvrer à la rédaction d'un bulletin clandestin puis à sa diffusion, ainsi qu'au recrutement de nouveaux adhérents. Ce comité est composé, au départ, de huit jeunes gens : Jean Besniée, Jean-Louis Bruch, Pierre Cochery, Jean-Claude Comert, Georges Guillemin, Jacques Lusseyran, Jacques Oudin et Jean Sennelier.
Le premier numéro du bulletin Les Volontaires de la Liberté paraît en octobre. D'un tirage compris entre 50 et 1 000 exemplaires, cette feuille clandestine comptera 55 numéros, publiés jusqu'en 1943. Le contenu de cette publication mêle actualité et sujets théoriques, avec des exposés sur le nazisme, les démocraties anglo-saxonnes, le marxisme etc., et a pour but, comme le précise Lusseyran "de faire comprendre les événements en les expliquant".

Pendant quelques mois, les Volontaires de la Liberté sont isolés. Toutefois, en 1942, ils parviennent à nouer des contacts avec d'autres groupes et mouvements clandestins, notamment grâce à Maurice Lacroix, professeur au lycée Henri-IV. C'est ainsi que les Volontaires acceptent de participer à la distribution dujournal Résistance, dirigé par le docteur Marcel Renet (pseudonyme "Jacques Destrée"). Cependant, à la suite de la parution d'un article jugé complaisant à l'égard de Franco, une majorité des Volontaires décide de rompre avec Renet. Cette rupture apparaît comme un premier révélateur des discussions serrées qui vont aboutir à des conflits, à l'intérieur même des Volontaires de la Liberté, en particulier entre Lusseyran et Cochery et leurs partisans respectifs. Ces discussions portent notamment sur le contenu du Bulletin. Les premiers souhaitent en faire un organe à diffusion plus large en orientant son contenu vers des informations générales ; les seconds veulent maintenir l'orientation suivie jusque-là. Un compromis est trouvé qui aboutit à la parution d'un deuxième journal, intitulé Le Tigre, en hommage à Clemenceau. Sept numéros seront publiés jusqu'en octobre 1942, avec un tirage de 500 à 2.000 exemplaires, ce dernier chiffre étant atteint le 14 juillet 1942.

Ce sont les contacts que Lusseyran parvient à établir avec le mouvement Défense de la France - et son fondateur Philippe Viannay - qui vont sceller la scission entre les Volontaires. Le processus se déroule en plusieurs étapes. Au mois de février 1943, Lusseyran accepte de mettre les Volontaires à la disposition de Défense de France, notamment pour diffuser le journal du mouvement, tout en précisant que son propre groupe garde une autonomie organisationnelle. Mais cette volonté d'autonomie lui apparaît rapidement comme un frein et il décide de faire entrer en masse les Volontaires au sein de Défense de la France. Ce point de vue n'est pas partagé par Pierre Cochery, pour qui le mouvement de Viannay reste marqué par ses origines "résistantes pétainistes". Ce sont donc des Volontaires amputés d'une partie important de leurs effectifs qui continuent leur action jusqu'à la Libération, en particulier la lutte contre le STO, avec la réalisation de fausses cartes de recensement, la recherche de planques pour les réfractaires.
Après le départ de Lusseyran, les instances dirigeantes sont largement remaniées. Pierre Cochery devient président du comité central, Jean-Louis Bruch, président du comité de propagande, André Darrouzet, secrétaire général jusqu'à son arrestation en août 1943, Pierre Bigand, secrétaire général après l'arrestation de Darrouzet. Les autres membres sont Jean-Claude Comert, Georges Guillemin et Yves Allain. Un nouveau journal voit alors le jour La Quatrième République ; il n'aura toutefois qu'un seul numéro. À l'été 1943, des contacts se nouent entre les Volontaires de la Liberté et Libération-Nord, ainsi qu'avec Franc-Tireur, mais surtout avec le réseau Bourgogne. Plusieurs membres des Volontaires, en effet, vont participer aux activités de ce réseau d'évasion d'aviateurs alliés, à l'image d'Yves Allain ou de Jean-Louis Kervevant. Tout au long de l'Occupation, les Volontaires de la Liberté n'ont pas été épargnés par la répression ; les arrestations ont été nombreuses, souvent suivies de déportations et de décès dans les camps allemands, tels ceux de Jean Besniée, Jean Sennelier, Pierre Bizos, liste non exhaustive...
Ces quelques phrases extraites du témoignage de Jean Bruneau, membre des Volontaires depuis leur création, expriment parfaitement ce que fut ce mouvement, essentiellement composé de jeunes gens, intellectuels, dont beaucoup répugnaient à l'action directe contre l'occupant et ses valets : "Les Volontaires de la Liberté n'ont peut-être pas été un mouvement très important, mais il a joué auprès des jeunes un rôle qui n'est pas négligeable. Il a été pour eux une prise de conscience de la Résistance, une étape entre eux-mêmes et l'insurrection. Il a formé des résistants réfléchis qui, lorsqu'ils se sont sentis mûrs pour cela, se sont détachés de leur position initiale pour aller vers Défense de la France, Bourgogne, les maquis, etc.".

Sources et bibliographie : AN, 72 AJ 37 (dossier réseau Bourgogne) ; 72 AJ 50 (dossier Défense de la France, témoignages de Jacques Richet et Jacques Lusseyran) ; 72 AJ 81 (dossier Volontaires de la Liberté). Jacques Lusseyran, Et la lumière fut, Paris, La Table Ronde, 1953. Mémorial Leclerc de Hauteclocque et de la Libération de Paris et Musée Jean Moulin, centre de documentation et de recherche, entretien de Philippe Raguenau avec Pierre Cochery le 16 juin 1992. 


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The Volontaires de la Liberté (Liberty Volunteers) movement was created in April 1941. It was born amongst the inner circles of the elite university and preparatory students in Paris, namely Louis-le-Grand and Henri-IV. The movement consisted of several hundred members in 1943. Jacques Lusseyran, a philosophy student at Louis-le-Grand and blind since the age of three and a half, was one of the principle founders and leaders of the movement.

The resistant actions committed by these youths were essentially by means of propaganda. At the end of the month of May in 1941, a central committee was put in place in order to work on the production of an underground news bulletin as well as its diffusion, all while continuing to recruit new adherents to the movement. This committee consisted of, initially, only eight men: Jean Beniée, Jean-Louis Bruch, Pierre Cochery, Jean-Claude Comert, Georges Guillemin, Jacques Lusseyran, Jacques Oudin, and Jean Sennelier.

The first issue of the bulletin, titled Les Volontaires de la Liberté appeared in October. With an average printing total between 50 and 1000 copies, this underground leaflet consisted of 55 issues and was published until 1943. The content of the publication mixed news with more theoretical subjects, with expositions on Nazism, Anglo-Saxon democracies, Marxism, etc., with the goal of, as Lusseyran put it, « helping the public to understand current events by explaining them ».

Over the course of a few months, the Volontaires de la Liberté were isolated. However, in 1942, they managed to make contact with other underground movements, notably thanks to Maurice Lacroix, a professor at Henri-IV. It was in this manner that the Volontaires agreed to participate in the distribution of the newspaper titled Résistance, written by Doctor Marcel Renet (pseudonym « Jacques Destrée »). However, following the publication of an article deemed to support Franco, a majority of the Volontaires decided to cut ties with Renet. This rupture appeared to be only the first of many, as discussions brought up more and more internal conflicts, particularly between Lusseyran and Cochery, which caused a partisan split within the movement. These discussions were most notably related to the content of the Bulletin. Lusseyran and his supporters wanted to aim for a larger organism of distribution and to orient their content toward more general information and a wider audience, whereas Cochery's supporters favored the current organization. A compromise was found that resulted in the creation of a second newspaper titled, Le Tigre or the Tiger, as homage to Clemenceau. Seven issues of Le Tigre were published up to October 1942, with a total of between 500 and 2000 copies printed for each issue, reaching its peak of 2000 with the July 14, 1942 issue.

It was the relationship that Lusseyran had succeeded in building with Défense de la France and its founder, Philippe Viannay, whom was the last straw, leading to a fissure in the Volontaires de la Liberté. The schism occurred in several steps. First, in February 1943, Lusseyran agreed to put the Volontaires at the service of Défense de la France, notably for the diffusion of their newspaper, all while guaranteeing the autonomy of their own group's organization. But this desire for autonomy soon appeared to be more trouble than it was worth, leading him to decide to integrate the Volontaires into the Défense de la France movement. Pierre Cochery did not share this opinion, as Viannay's movement was still marked by their origins as supporters of Pétain. It was thus that the Volontaires split, with one group joining DF and the other, with numbers now diminished, continued their own fight until the Liberation, largely fighting against the STO, through falsified census data and finding hideouts for deserters. Following the departure of Lusseyran, the organization was largely reorganized. Pierre Cochery became president of the central committee, with Jean-Louis Bruch as president of the propaganda committee, André Darrouzet as secretary general until his arrest in August 1943, and Pierre Bigand, who replaced Darrouzet after his arrest. Other members of the committee included Jean-Claude Comert and Yves Allain. A new newspaper titled Le Quatrième République, or the Fourth Republic, was published, though only for one issue. In the summer of 1943, the Volontaires de la Liberté made contact with Libération-Nord and subsequently with Franc-Tireur, but above all made the regional connections of the Bourgogne network. Several members of the Volontaires would participate in the activities of the network, sheltering allied pilots. Throughout the Occupation, the Volontaires de la Liberté were not saved from repression; arrests were numerous, often followed by deportations and death in German work camps. The list of casualties of the movement includes Jean Besniée, Jean Sennelier, and Pierre Bizos.

In this statement from Jean Bruneau, an inaugural member of the Volontaires, perfectly explains the movement as it was, essentially composed of young intellectuals who largely opposed direct action against the occupiers: « The Volontaires de la Liberté may not have been the largest movement, but it played an important role amongst the youth. For them, it was a stepping block toward the Resistance, a step between themselves and insurrection. It prepared resistants until they had ripened enough to take on a more prominent role in the fight with Défense de la France, Bourgogne, or the maquis. »


Source: QN, 72 AJ 37 (Bourgogne network file) ; 72 AJ 50 (Défense de la France file, accounts of Jacques Richet and Jacques Lusseyran); 72 AJ 81 (Volontaires de la Liberté file). Jacques Lusseyran, Et la lumière fut, Paris, La Table Ronde, 1953. Mémorial Leclerc de Hauteclocque et de la Libération de Paris et Musée Jean Moulin, Center for documentation and research, interview of Philippe Raguenau with Pierre Cochery on June 16, 1992.


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Cécile Hochard

Author: Cécile Hochard