La libération de Toulouse



« Nous portons les événements, nous les vivons »

Depuis le débarquement en Normandie, « les événements s’accéléraient et on sentait que la période de la Libération approchait » (1). Serge Ravanel poursuit avec acharnement son travail d’unification des FFI entrepris depuis le début du mois de juin afin d’assurer, le moment venu, le meilleur soutien possible aux troupes alliées. Malgré la complexité de la mission, force est de constater que « les choses progressent bien et malgré le manque de temps, cet effort d’unification ne marche pas trop mal. » (2). Il doit impérativement s’intensifier afin de maintenir efficacement un climat d’insécurité extrême et d’infliger un « harcèlement quotidien » à un ennemi de plus en plus déstabilisé par l’imminence d’un retournement du rapport des forces…

La Libération ne peut être envisagée que par l’affaiblissement suffisant des défenses allemandes et, ensuite, le déclenchement d’une action générale, accompagnée de l’insurrection. Dans cette attente, « une propagande intense auprès de la population est développée [afin qu’elle comprenne] que ce n’est pas par faiblesse que les mouvements n’agissent pas maintenant mais parce qu’il est n’est pas encore temps d’agir » (3).

Sources : (1) Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Editions du Seuil, 1995. (2) Serge Ravanel, interview de Christine Lévisse-Touzé le 3 décembre 1998. (3) Note de Serge Ravanel adressée à tous les départementaux et à toutes les zones le 14 juin 1944.



                  The Liberation of Toulouse

«We were responsible for these events, and we lived them.» As soon as the Allies landed in Normandy, «everything moved faster and faster, and we felt that France would soon be liberated.» (1). Serge Ravanel feverishly worked to bring the FFI together after D-Day because he wanted the troops to be ready to fight alongside the Allies when the time came. Despite how difficult his mission was, Ravanel admitted that «things were going well and though we had no time, we were managing to come together» (2). They still needed to persevere in order to remain as efficient and alert as possible in order to launch «daily attacks» on the enemy who had already begun to weaken...

The Liberation would not have been possible without the Resistance attacking and crumbling the German's defenses, followed by the launch of the FFI's finest. The insurrection was underway. «Word spread amongst the population of Toulouse (because they understood) that the Liberation was possible because the Germans were weak, but because it was finally the time to act » (3).


Traduction : Catherine Lazernitz

Auteur(s): Emmanuelle Benassi

Plan de l'expo

Crédits

Bibliographie

Dernières semaines avant la Libération haut ▲



Le transfert d’une grande partie des troupes allemandes vers le front de Normandie a pour conséquence l’abandon de secteurs entiers de la région toulousaine. L’ennemi cantonne ses effectifs, encore nombreux, dans des garnisons principales. Les mouvements de troupes sont de plus en plus désorganisés et moralement fragilisés par une Résistance soutenue par la majeure partie de la population, renforcée par de nouvelles recrues chaque jour plus nombreuses et, ayant une bonne connaissance du terrain. Bien que le parachutage d’armes soit en nette progression depuis le 6 juin, l’armement et, d’une manière générale l’ensemble de l’équipement des Résistants et de ses maquis, demeure rudimentaire. Serge Ravanel sait que « la région toulousaine présente pour les Anglais un intérêt secondaire ; elle est nécessairement défavorisée dans les domaines de l’armement et des parachutages au bénéfice de la zone Nord et de la Bretagne » (1). Conscient de ces conditions, le chef régional demande à tous ses responsables de départements et de secteurs d’adopter, selon leur propre initiative, une « action exclusivement sous forme de guérilla » (2) semblable en tous points à celle engagée depuis plusieurs semaines. Elle consiste à « créer une ambiance d’insécurité qui provoquera chez l’ennemi une réduction de la vitesse de marche des colonnes, une immobilisation du personnel et du matériel consacrés à la sécurité des organes statiques, une usure générale due à la fatigue non compensée par un repos suffisant. Les résultats de la guérilla ne seront pas évalués en morts, blessés et prisonniers mais en hommes-heures perdus. C’est une notion à acquérir par tous les cadres. Les procédés employés sont le harcèlement à moyenne distance d’éléments mobiles de forces égales ou légèrement supérieures ; l’attaque à faible distance ou au corps à corps d’éléments mobiles de force inférieure ; l’anéantissement des faibles détachements et des isolés ; la mise hors d’usage d’engins mécaniques de transport ou de combat ; la destruction partielle ou totale des postes de commandement, des dépôts, des postes de garde et des cantonnements au moyen de coups de main » (3).
Par ailleurs, conformément au commandement supérieur, Ravanel précise que « les sabotages (voies ferrées, usines d’aviation allemandes fortement implantées dans la région) comme les exécutions de miliciens doivent être effectués à outrance… [En outre, il est nécessaire], de pousser la population à considérer la Résistance comme légale et qu’il est de son devoir de l’aider au maximum » (4).
Acculés, les « Boches se conduisent comme des véritables sauvages » (5). Des raids de commandos spécialisés tels que le groupement « Wilde » attaquent les maquis comme les populations, faisant un nombre considérable de victimes. « La population est scandalisée et les jeunes demandent des armes pour venger leurs camarades » (6). Ces innommables interventions comme celles des services de la Gestapo relayés par la milice perdurent jusqu’à la Libération. « Jusqu’aux dernières heures de l’Occupation, on arrêtera donc et on fusillera » (7).

Sources : (1) Note de Serge Ravanel adressée à tous les départementaux et à toutes les zones le 14 juin 1944. (2) Op cit. (3) Note du chef départemental du Lot-et-Garonne adressée à tous les chefs de l’Armée secrète et des maquis 5/05/44. (4) Note de Serge Ravanel adressée à tous les départementaux et à toutes les zones le 14 juin 1944. (5) Rapport du chef MLN adressé au chef régional concernant le département du Gers daté du 12/07/44. (6) Op cit. (7) Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Editions du Seuil, 1995.



                                The Last Weeks before the Liberation


When the Germans transferred a large part of their troops North to the front in Normandy, they left many areas around Toulouse completely defenseless, but the enemy still had large numbers of men in principal sectors of the region. The movement of the German troops was becoming more and more disorganized, and their morale was growing weaker because of the Resistance. Now a major percentage of the population, the Resistance acted daily to recruit new members, all the while gaining new ground. Even though the English paratroopers had been involved in France since June 6th, the Resistance and their groups still lacked basic equipment and weaponry. Serge Ravanel knew that «to the English, Toulouse was not a priority. Normandy and Bretagne were more important because of their proximity to the front » (1). Aware of these conditions, Ravanel asked all of his departmental leaders and deputies to launch their own «guerilla warfare initiatives» (2) in the coming weeks. These attacks «created an atmosphere that completely shook the morale of the enemy. They could not mobilize as quickly and their security systems were greatly weakened. The Germans could never relax and it began to show. Our success was not measured in the numbers killed, wounded, or captured but rather in man hours lost. The idea was to disrupt everything. We fought from a distance or face to face; we fought them with equal, or sometimes greater, force; we annihilated those who had been injured or isolated; we destroyed their engines whether for transport or combat; we burned post offices, depots, guard stations, and billets to the ground » (3).

In addition, Ravanel ordered that under his command «all sabotages (of German factories, railroads etc.), like the executions of the Milice, had to be done out of outrage...it was necessary that the population believe that what the Resistance was doing was legal and that it was necessary for the greater good» (4). And «the Germans were acting like savages » (5). Specialized commando raids like the « Wild » group attacked civilians as well as the maquis, racking up a number of victims. «The population was horrified. Young men demanded to be armed in order to avenge their comrades» (6). Such attacks led by the Gestapo as well as the Milice lasted until the Liberation. «Even in the last hours of the Occupation, we would only stop so that we could rearm.» (7).


Traduction : Catherine Lazernitz

Auteur(s) : Emmanuelle Benassi

19 août 1944 : Toulouse libérée haut ▲



En dépit de la complexité de la mission qui consiste à « apprendre à des gens de formation et d’origine très différentes à travailler ensemble » (1), force est de constater que « dans le contexte court qui a existé, ce qu’on a fait n’a pas été trop mal… Au travers des combats de la Libération nous avons trouvé, dans un grand nombre de départements, une unification et une organisation des maquis qui se sont opérées dans de bonnes conditions » (2). Cette réalisation des FFI n’est pas immédiate dans la mesure où elle se heurte, au cours de ces deux mois, à des velléités d’autonomie et des problèmes d’autorité récurrents qui viennent contrecarrer les directives transmises par l’EM du COMAC, stipulant qu’il est « fortement déconseillé aux officiers en mission alliés, de former des groupes en dehors du contrôle des FFI » (3). Serge Ravanel parvient à surmonter ces difficultés en s’inscrivant inlassablement dans un « rôle de négociateur plus que de commandant » (4) et en étant « d’une impartialité absolue » (5). Cet effort ininterrompu lui permet d’être, « à la libération, complètement reconnu comme le patron des FFI » (6) et se trouve ainsi en mesure de remplir « son rôle d’animateur général » en actionnant et en fédérant l’ensemble de ses troupes lorsqu’à partir du 16 août « se déclenche le premier acte d’insurrection dans la région » (7). Avec l’accord de Ravanel, chaque chef de département et de secteur coordonne l’intervention des maquis et des groupes armés qui engagent des combats de type « guérilla en faisant des coupures sur les routes, en occupant les villes et organisant un certain nombre de barrages » (8). Les unes après les autres, l’ensemble des agglomérations sont libérées des garnisons allemandes. Simultanément, Serge Ravanel prépare, avec le Comité de Libération (CDL), la libération de la capitale régionale : l’ordre d’insurrection est imminent. Le 17 août, après la percée du front allemand en Normandie et le débarquement allié en Provence, les troupes ennemies, stationnées au sud de la Loire et à l’ouest de la vallée du Rhône, sont menacées de capture et « reçoivent l’ordre d’évacuer Toulouse » (9) et de rejoindre le nord-est de la France. En liaison avec Vernant, nommé chef d’État-major insurrectionnel pour la région, et « les chefs des organisations militaires : Cartier Bresson (CFL), Delcamp (FTP), Sarrazin, (ORA) et Acevedo (guérilleros espagnols) » (10), Serge Ravanel organise la libération de Toulouse en demandant aux différents maquis, dont les zones sont libérées, de « rejoindre les cantonnements proches de la ville » (11). Il rassemble ainsi « 4000 hommes de l’ORA, des FTP, des CFL afin que ce moment revête un caractère symbolique de la Résistance fondé sur l’égalité des combattants » (12). Mais pour Serge Ravanel, il « importe surtout que ces hommes soient disciplinés et animés du désir de faire ce qu’il leur est commandé sans récrimination » (13) et par là participer le plus efficacement possible à cet assaut final. « Nous n’avions pas un véritable plan d’ordre de la Libération. Nous n’étions pas capables de faire un plan clair parce que nous n’étions pas capables d’attaquer les Allemands au point central et la stratégie qui a prévalu c’est d’élever en permanence le niveau des petites actions qu’on pouvait faire jusqu’à des captures de petites garnisons. On ne pouvait pas faire beaucoup plus, par contre on pouvait multiplier et faire en sorte qu’un moment ça puisse basculer. Et cela se produisit ». Les 18 et 19 août, conjointement et sous la bannière commune des FFI, l’ensemble des formations militaires (maquis, CFL, ORA, FTP, Guérilleros, milices patriotiques, FFI d’entreprise, population…) assaille l’ennemi de toute part tout en s’efforçant de préserver le patrimoine industriel. La libération de Toulouse est le résultat d’un double « phénomène d’évacuation à la hâte et d’attaque des troupes allemandes » (14) et « d’une symbiose entre la population et la Résistance » (15). Elle n’a en aucun cas nécessité l’intervention de troupes extérieures. Le samedi 19 au soir, « la population est dans la rue, Toulouse est libre » (16).

Sources : (1) Serge Ravanel, interview de Christine Lévisse-Touzé le 03/12/98. (2) Op cit. (3) Directive du COMAC destinée aux chefs régionaux FFI, 12/07/44. (4) Serge Ravanel, interview de Christine Lévisse-Touzé le 03/12/98. (5) Lettre de Serge Ravanel adressée au chef de région MLN, datée du 14 août 1944. (6) Op cit. (7) Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Editions du Seuil, 1995. (8) Op cit. (9) Ordre d’opération n°7 émis le 19 août 1944 par le chef de Région. (10) Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Editions du Seuil, 1995. (11) Op cit. (12) Serge Ravanel, interview de Christine Lévisse-Touzé le 3/12/98. (13) Ordre d’opération du chef de région adressé à Berthier, Durenque et Michaud émis le 12 août 1944. (14) Serge Ravanel, interview de Christine Lévisse-Touzé le 03/12/98. (15) Témoignage de Serge Ravanel documentaire diffusé sur France 3 1944, la France libérée : Sud Ouest le rêve et les fusils ou l’été de la Libération. (16) Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Editions du Seuil, 1995.



                      August 19th, 1944 : Toulouse is Liberated

Despite the difficult nature of his mission, Ravanel succeeded in «getting men from totally different backgrounds to work together » (1). Though they «did not have a lot of time, they still managed to unify, » and Ravanel himself said that «we found in several departments the maquis had organized and unified in order to operate as efficiently as possible » (2). But this did not happen immediately, and for two months, the FFI still faced opposition from small, autonomous groups and from leaders in the EM of COMAC who kept «telling their officers to form their divisions outside of the FFI's control » (3). Ravanel tried to ease these tensions by always remaining in the «role of negotiator rather than commander » (4) and to remain «completely impartial at all times » (5). These efforts made him «recognizable as the head of the FFI during the Liberation » (6) which made it possible for him to «act as general» on August 16th when he gathered the Liberation's troops to «launch the battle for Toulouse » (7).

Following Ravanel's orders, each departmental and division leader organized their maquis and other combats groups to launch «guerilla attacks such as blocking off roads and occupying villages, as well as forming blockades» (8). One after the other, towns were liberated. At the same time, Ravanel and the Comité of the Liberation (CDL) were working on a strategy to free the capital of the region: the go-ahead would be given at any moment. On August 17th, after the Allies’ victory at Normandy and more troops landing in Provence, the German army in South of the Loire and West of the Rhône were extremely vulnerable and «received orders to evacuate Toulouse» (9) in order to join the army in the North-east. Working with Vernant, head of the regional attack, and the «head of the military organizations: Cartier Bresson (CFL), Delcamp (FTP), Sarrazin, (ORA) and Acevedo (Spanish nationals) », Serge Ravanel organized the Liberation by sending the maquis from the already-freed regions to «the barracks closer to the city» (11).
«The 4000 men from the ORA, the FTP, and the CFL responsible for the liberation were a symbol of how much the Resistance valued all of its members» (12). But for Ravanel, «more importantly, the men were disciplined and wanted whole-heartedly to carry out this final assault» (12) as efficiently as possible. «We didn't exactly have a plan because we weren't going to be able to attack the Germans at a central point. Instead, our strategy was to keep waves and waves of smaller attacks coming, capturing the smaller barracks. We couldn't do a lot more than that, but each attack could push the Germans farther back. And that is exactly what happened. » August 18th and 19th, the maquis, CFL, ORA, FTP, Spanish nationals, patriotic militias, FFI d'entreprise, civilians, banded together under the FFI, attacked the enemy to free not only themselves but France. The Liberation of Toulouse was the result of two «phenomena: a common hatred of the enemy» (14) and «the joint efforts of the Resistance and the civilian population » (15). There was no need for back-up. That night, Saturday the 19th, «everyone was celebrating in the streets. Toulouse was free » (16).

Traduction : Catherine Lazernitz

Auteur(s) : Emmanuelle Benassi
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Premiers jours après la Libération haut ▲



Gérer l’effervescence et le désordre, Ravanel-Cassou : l’espoir d’un binôme inachevé

« Ce matin dimanche 20 août, l’évacuation de Toulouse est presque achevée... Des éléments allemands [...] sont pris à partie par les éléments FFI de Toulouse. [...]. Les unités qui convergent sur Toulouse en exécution de l’ordre n°7 doivent faire diligence pour gagner leur secteur dans leur stationnement. Elles seront prêtes à entrer dans Toulouse le lundi 21 août dans les premières heures de la matinée. Le chef régional FFI leur demande de faire cette entrée dans le plus bel ordre militaire, afin de s’imposer d’emblée à la population et de lui faire sentir que les FFI constituent un instrument militaire puissant et discipliné. » (1). Une ambiance euphorique règne dans les rues de la capitale régionale alors vidées de l’occupant. « C’était un peu comme une bouteille de champagne qui explose. » (2). Toutefois le commandement FFI incite à la prudence car la ville n’est pas encore à l’abri d’incursions en force de l’ennemi. Le rétablissement de la légalité devient la priorité pour le commandement FFI. Le colonel Ravanel choisit de rétablir l’ordre avec vigueur et donne tout pouvoir au commandant Georges. « On a nommé le commandant Georges, chef de la place d’armes parce que dans ce Toulouse qui venait d’être libérée, on ne pouvait pas attendre que dans les 24 ou 48 heures tout soit parfaitement organisé. » (3).
Par ailleurs, il doit veiller à l’application des directives reçues du général Cochet, délégué militaire du gouvernement pour le théâtre d’opération Sud : « les FFI se doivent de donner l’exemple, tous ses membres ont le devoir absolu de respecter et d’appliquer la loi, et tous leurs efforts doivent tendre à assurer la sécurité intérieure et extérieure de la nation. Ils doivent veiller à ne pas paralyser l’exercice du pouvoir régulier et légal qu’ils doivent au contraire appuyer et soutenir de tous leurs efforts. » (4).
Conséquence inévitable du choc et de l’exploitation de la Libération, Toulouse vit des heures troubles.
Bien que cette Libération de Toulouse et de la Haute-Garonne s’inscrive dans une stratégie d’ensemble définie en amont au niveau national (CNR), régional (Commissaire de la République et FFI), départemental et local (FFI et Comité de la Libération) elle « place immédiatement et sans transition [l’ensemble de ces principaux responsables] devant des problèmes nouveaux » (5). Dans l’improvisation, les nouvelles autorités, doivent rétablir l’ordre et faciliter l’instauration de la nouvelle République.
C’est dans cette perspective que se tient, le 19 au soir, au 21 rue d’Orléans, siège du CDL, une réunion clandestine décisive réunissant autour de Jean Cassou, Commissaire de la République, et ses proches collaborateurs, les principaux responsables civils et militaires : les chefs FFI régional et départemental, Serge Ravanel et Jean-Pierre Vernant, le chef régional MLN Degon et les principaux membres du CDL dont Albert Carovis. Dans un commun accord, ils fixent au lendemain « les conditions de passation des pouvoirs ». A la sortie de la réunion, Jean Cassou et deux de ses collaborateurs sont victimes d’un contrôle de papier effectué par une colonne allemande qui tentait de traverser la ville. « Violemment matraqué, Jean Cassou est laissé pour mort sur la chaussée. » (6). Cette nouvelle est un véritable choc pour Ravanel : « Je prends soudain conscience de l’attachement que j’éprouve pour notre Commissaire de la République. » (7). « Sa présence me manque. En parfait accord, nous assurions ensemble le commandement régional de la Résistance. » (8).
Bien que coutumier depuis quatre années de l’inattendu, cette nouvelle improvisation sème le trouble au sein des dirigeants : il faut réunir de nouveau les responsables et choisir sur le champ le remplaçant du commissaire. Le nom de Ravanel est proposé mais il refuse ; il tient à privilégier ses fonctions de responsable militaire. En outre, très discipliné, il ne conçoit pas un seul instant, prendre une telle décision sans en avertir sa hiérarchie. Chacun ayant déjà été affecté à un poste il faut nommer quelqu’un d’autre. Le choix s’oriente finalement sur un dénommé Pierre Bertaux, soi-disant envisagé comme remplaçant par Jean Cassou lui même. Sceptique, l’assemblée ne parvient pas à trancher : méconnu, sa désignation est loin de faire l’unanimité. Mais il faut agir vite : « Alors à ce moment là, c’est moi qui ai emporté la décision... Mettons en place Pierre Bertaux puis on verra comment il se comporte. » (9). Cette nouvelle distribution des cartes perturbe cette solide équipe régionale constituée depuis plusieurs mois autour de Jean Cassou. Tous issus du MLN et animés par le même esprit de la Résistance, c’est dans un climat de confiance et d’amitié qu’ils ont appris à travailler ensemble en s’inscrivant dans le programme du CNR. Selon eux, les résistants se doivent d’être, dans cette reconstruction, des animateurs, des mobilisateurs comme ils l’ont été pendant l’Occupation ; « la conception de Bertaux est beaucoup plus administrative. » (10). Désormais le pouvoir est entre ses mains et les FFI sont à sa disposition. (« Nous étions tellement liés à Jean Cassou »).

Sources : (1) Ordre d’opération n°8 datée du 20 août 1944 émis par le chef de Région. (2) Témoignage de Serge Ravanel documentaire diffusé sur France 3 "1944, la France libérée : Sud Ouest le rêve et les fusils ou l’été de la Libération". (3)Op cit. (4) Note du général de division aérienne Cochet, délégué militaire du gouvernement pour le théâtre d’opération Sud adressée aux commandants de région et aux commandants des FFI. (5) Directive de l’exécutif zone Sud du mouvement de la libération nationale à tous les chefs de services, de régions et de départements émis le 5 août 1944. (6) Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Editions du Seuil, 1995. (7) Op cit. (8) Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Editions du Seuil, 1995. (9) Témoignage de Serge Ravanel documentaire diffusé sur France 3 "1944, La France libérée : Sud-Ouest le rêve et les fusils ou l’été de la Libération". (10) Op cit.



                            First Days after the Liberation

Ravanel-Cassou, a doomed partnership in the aftermath of the Liberation

«This Sunday morning, the 20th of August, the German evacuation of Toulouse is almost complete...All German troops...are being taken into custody by the FFI of Toulouse...Units who have been sent to Toulouse in order to execute Order 7 will report to the stations in their respective sectors. They will arrive in Toulouse on Monday, August 21st in the early hours of the morning. The FFI chief of the region has asked that this be carried out in the most organized, military fashion so that the population will see that the FFI is well organized and poised to take charge» (1). At the end of the Occupation in Toulouse, the people were overjoyed. «It was something like bursting open a bottle of champagne » (2). But at the same time, the FFI was on high alert because the city was still vulnerable to enemy attacks. Reestablishing a government was the FFI's first priority. Colonel Ravanel wanted this done quickly and with Georges as the commander. «We named Georges as commander because he had been head of the armed forces in Toulouse, and because as we had just been liberated, we needed to be ready at a moment's notice» (3).

In addition, the FFI needed to enact the directions given by General Cochet, the military delegate from the Southern theatre, immediately: «The FFI must make its members the example for the rest of the population and must enforce and respect the law. They must make every effort to assure the security of both the interior and exterior of the nation. They must also preserve the legal system and control those that try to fight it » (4).

Because of the inevitable shock and exploitation following the Liberation, Toulouse had some dark hours.
As soon as Toulouse and Haute-Garonne were liberated, they each decided to give power over to both the national (CNR) and regional (Commissaire de la République, or Prefect, and FFI), which happened «so quickly that the (new leaders) immediately had new problems to face » (5). The new authorities had to improvise quickly so that they could establish some kind of order for the new Republic. On the night of August 19 at 21 rue d'Orléans, at the office of the CDL, Jean Cassou, the Commissioner of the Republic, held a secret meeting with his closest advisors, and heads of civil and military services: regional leaders of the FFI, Serge Ravanel and Jean-Pierre Vernant, Toulouse's leader for the MLN, Degon, and other members of the CDL, like Albert Carovis. They agreed that the next day «they would pass conditions outlining how the new Republic would be run. » At the end of the meeting, Jean Cassou and two of his deputies were attacked by German soldiers who were going through the city. «Badly beaten, Jean Cassou was left for dead» (6).
Ravanel was completely horrified by the news: «I suddenly realized how much I had respected and admired Cassou» (7). «I missed him. We had all come together and agreed to have him as our new leader for the Resistance » (8).

As had been the custom during the war years, more improvisation was necessary, and of course, there was doubt amongst the leaders. They needed to hold another meeting and choose someone to replace the Commissioner. Ravanel was nominated, but he declined because he wanted to continue his military duties. Besides, he could not wrap his head around making a decision without consulting his superiors first. Because everyone at the meeting already had a position, someone from the outside had to be nominated. The man chosen was Pierre Bertaux, who supposedly had been Jean Cassou's choice should he be replaced. However, the assembly was skeptical and because no one really knew Bertaux, the decision was far from unanimous. But they needed to make a decision quickly: «I made the decision...put Bertaux in place and wait and see how he does» (9). In spite of their loyalty to Jean Cassou, everyone in the region, including those from the MLN, came together for the sake of the Resistance to work on the CNR's agenda. The resistants decided that they should be the same kinds of leaders that they were during the Occupation because «Bertaux's approach was far more administrative » (10). From then on, the government and the FFI were at Bertaux's disposal. «But we were still continuing to follow Jean Cassou's vision.»


Traduction : Catherine Lazernitz

Auteur(s) : Emmanuelle Benassi