Premiers pas vers l’esprit de Résistance



Le 19 juin, après deux semaines passées à Poitiers, l’école d’artillerie s’installe dans le Limousin en zone Sud, dans la région de Saint Junien. Deux mois de désœuvrement complet à vivre en campement donnent à Serge Asher, l’occasion de réfléchir à l’aveuglement, l’irresponsabilité et au laxisme de « nos hommes politiques » qui conduisirent finalement la France vers ce chaos, cette désastreuse et humiliante situation.

Sources : Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Editions du Seuil, 1995.

        First Steps towards the Resistance

June 19th, after two weeks in Poitiers, the military moved its students once again, this time to Limousin in the Region of Saint Junien, in the Free Zone. Two months of living in a camp with nothing to do but think gave Serge Asher time to reflect on the ignorance, carelessness and laziness of «France's politicians» who were to blame for the chaos and humiliating defeat of the country. Needless to say, he was frustrated.

Source: Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Seuil publications, 1995.

Traduction : Catherine Lazernitz

Auteur(s): Emmanuelle Benassi

Plan de l'expo

Crédits

Bibliographie

Les chantiers de jeunesse (mi août à novembre 1940) haut ▲

« Là, j’ai peut-être fait « mon premier acte de Résistance »

Courant août, Serge Asher, alors promu sous-lieutenant, est affecté au Régiment d’Artillerie coloniale de Draguignan. Là, il se porte volontaire pour encadrer les nouveaux chantiers de jeunesse destinés à doubler les effectifs de l’armée d’armistice, preuve pour lui d’une possible reprise de la lutte. En effet, « considérant que Pétain allait remettre ça, je suis allé dans les chantiers de jeunesse pensant que cette armée était une seconde armée clandestine » (1), un réservoir de 100 000 hommes créé pour doubler les effectifs de l’armée d’armistice. « En tant qu’officier, je me suis porté volontaire pour encadrer ces jeunes, ce qui me convenait parfaitement » (2). « J'ai peut-être fait ce jour là mon premier acte de Résistance sans le savoir » (3) . Après un bref passage dans le massif montagneux des Bauges, il retrouve à Châtelard le lieutenant de Courson qui le charge d’aller accueillir 2 000 soldatsà Saint-Pierre d’Albigny. Il est ensuite affecté au village de Cimeteret (Savoie) où il passe trois mois.

Sources : (1) et (2) Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Editions du Seuil, 1995. (3) Interview de Serge Ravanel par Alain Vincent le 18 novembre 2003.


French Youth Workings (mid August to November 1940)

«It was perhaps my «first act for the Resistance»

In August, Serge Asher, having been promoted to second lieutenant, was assigned to the colonial Artillery Regiment of Draguignan. There, his job was to train the new recruits in order to prepare them to join the regiment, which he saw as proof that France might still fight. Essentially «because Pétain had organized such a group, I went into the Youth Workings thinking it was a second, secret army for France, » (1) because I thought its purpose was to train 100,000 men to bolster the defeated French army. «As an officer, I eagerly volunteered to train the young men » (2). «It was perhaps my «first act for the Resistance without realizing » (3). After a brief tour in the mountains of Bauges, Ravanel went to Châtelard where he was promoted to lieutenant of Courson. His job was to welcome and train 2,000 soldiers in Saint-Pierre d'Albigny: After that, he was posted in the village of Cimeteret where he spent the next three months. 

Source: (1) and (2) Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Seuil publications, 1995. (3) Interview of Serge Ravanel by Alain Vincent on November 18, 2003.


Traduction : Catherine Lazernitz

Auteur(s) : Emmanuelle Benassi

Montoire : le « premier grand choc » pour Ravanel haut ▲



C’est depuis ces montagnes que Serge Asher apprend avec stupéfaction « l’événement de la collaboration » qui a été pour lui « une épine dans la gorge » (1). En effet, la poignée de main de Montoire entre Pétain et Hitler le 24 octobre 1940 et la nouvelle politique de collaboration sont pour lui « contraires à ses idées sur l'Armistice » (2) et ne font qu’accentuer son amertume à laquelle se mêle bientôt un sentiment d’exaspération, voire de colère. « Nous rêvions de reprendre le dessus, la défaite nous restait en travers de la gorge » (3).
Cet acte de naissance d’une politique de collaboration déstabilise le jeune officier, prisonnier d’une armée en attente, qui veut encore croire à un double jeu du Maréchal Pétain. Animé d’un indéniable désir patriotique d’agir pour défendre et libérer son pays, il cherche inlassablement, au cours de ces mois d’hiver 1940-1941, la voie à suivre et l’occasion de partir au combat.

Sources : (1) Serge Ravanel interviewé par Yves Blondeau le 9 juin 2006. (2) Serge Ravanel interviewé par Alain Vincent le 18 novembre 2003. (3) Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Editions du Seuil, 1995.


                                                Montoire: Ravanel's «first big shock»

Serge Asher learned the shocking news of Pétain's collaboration at Montoire while in the mountains. For him, it was a «thorn in his throat » (1). The handshake between Pétain and Hitler at Montoire October 24th 1940 and what it symbolized for France's future was «the complete opposite of [Ravanel's] idea of what the Armistice was » (2) and only further embittered Ravanel, making him more frustrated and even angry. «We had still dreamt of fighting because defeat was something that we simply could not accept» (3). Pétain's new policy of collaboration shook the young officer, a prisoner of a stalled army, who wanted to still believe that Maréchal Pétain was still playing both sides. But his drive and patriotism always with him, Ravanel refused to give up the fight for his country, and so he looked all winter of 1940 and into 1941, hoping to find a way to enter into combat with the enemy.


Traduction : Catherine Lazernitz

Auteur(s) : Emmanuelle Benassi

Ancrage et consolidation de l’esprit de Résistance (hiver 1940-1941) haut ▲



L’encadrement et la formation de ces 2 000 soldats sont interrompus lorsqu’un matin de novembre 1940, Serge Asher reçoit un nouvel ordre de mission l’invitant à se présenter à l’école polytechnique avenue Berthelot, à Lyon où, malgré les apparences, « une impression de malheur domine ». Comme tous les Français, il est un témoin impuissant d’un pays brutalement et précipitamment manipulé et dans lequel s’opère une véritable mutation. « Au fur et à mesure, j’ai assisté à une évolution du régime vers un autoritarisme sans justification » (1).
C’est à partir de là que s’opère dans l’esprit de Serge Asher le tournant, la prise de conscience nécessaire pour développer un esprit de Résistance et « commettre des actes contraires à la loi et oser désobéir » (2) à un gouvernement dont le chef « incarne la légitimité » et, à tort, le patriotisme. Attitude plus difficile à adopter dans la zone Sud que dans la zone Nord, où l’ennemi est clairement désigné. « En cette année 1940, mes opinions ne diffèrent guère de celles de la majorité du pays » (3).

Sources : (1) Serge Ravanel interviewé par Yves Blondeau, le 9 juin 2006. (2 et 3) Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Editions du Seuil, 1995.


           Feelings of Resistance taking hold (Winter 1940-1941)

 

The training and organizing of his unit of 2;000 soldiers was interrupted one November morning in 1940 when Serge Asher received new orders: to present himself at the École Polytechnique in Lyon.  In spite of what seemed to be an innocent mission, Ravanel had «a bad feeling » that he could not shake.  Like other French men and women, he had watched hopelessly as his country was taken over by a new government.  «I watched an authoritarian regime come in without anything to justify its brutality » (1). 

It was because of this drastic and frightening change in government that Serge Asher saw it was necessary to «fight against and disobey the laws »(2) of a regime that claimed to be «legitimate » and worse still, patriotic.  However, it was a harder undertaking in the Free Zone than in the North where the enemy was easily recognizable.  «In 1940, my opinion of the Vichy government was hardly different from that of the majority » (3). 

                             

Traduction : Catherine Lazernitz

Auteur(s) : Emmanuelle Benassi

Agir et rejoindre de Gaulle haut ▲



En janvier 1941, bien qu’étant redevenu élève de l’école polytechnique, Serge Asher cherche un moyen d’agir et décide de rejoindre le général de Gaulle à Londres, geste logique qui ne lui paraît nullement anti pétainiste, via l’Espagne et le Portugal qui est le seul pays d’Europe à maintenir des relations maritimes avec l’Angleterre. « Ayant appris que l'on pouvait gagner l'Angleterre, j'ai décidé de préparer mon trajet via le Portugal » (1).
Il organisera scrupuleusement, dans les moindres détails, son voyage pour un départ au printemps : « Je me procure des cartes, mesure les distances (500 km au bas mot). Seule façon d’aboutir : marcher la nuit, se cacher le jour, se guider à la boussole. Le terrain est accidenté. Cela facilitera le camouflage. Je prévois au moins trente jours de marche. Il me faudra emporter la totalité de mon ravitaillement si je ne veux pas être obligé d’en voler. Je me procure du riz que je conserve dans des chaussettes de montagne. Je les cache sous la toiture de la chambrette que me prête Louis Boulade, un ami lyonnais, dans sa maison de famille. Je tente des essais de pré cuisson pour rendre digestible ce riz. J’ajoute à mon paquetage des boîtes de Phoscao et de l’acide citrique. Si mes calculs sont exacts, avec une charge d’une douzaine de kilos, je peux tenir jusqu’au bout… Il ne me reste plus qu’à attendre le printemps ».
Le printemps arrive… et, après avoir reconsidéré la faisabilité de son projet d’évasion, il décide finalement de rester en France. La longueur du trajet, la traversée solitaire d’un pays soumis au général Franco, allié d’Hitler, la méconnaissance de l’espagnol comme du portugais, le dissuadent d’entreprendre ce dangereux périple.  

Sources :  (1) Serge Ravanel interviewé par Alain Vincent le 18 novembre 2003.



                                            A Plan to Join de Gaulle

In January of 1941, even though he was supposed to return to École Polytechnique as a student, Serge Asher searched for another way to fight. He decided the best way was to go to London to join de Gaulle and his French army in exile. He did not think, for some reason, that this action would be considered anti-Pétain, and began to plan his journey via Spain and then Portugal, as they were the only countries from where he could sail to England. «Having learned that the fight was still going on in England, I decided to plan to get there from Portugal» (1).

He organized every aspect of the trip and chose to leave in the spring of that year. «I bought maps and measured the distance (500 kilometers). The only way to get there was to walk at night, and hide during the day with the compass as my guide. The terrain was rough which would make it easier to hide. I guessed it would take about thirty days of walking. I had to bring everything I would need so that I would not be forced to steal along the way. I bought rice that I planned to pack in my hiking boots. I hid those under the floorboards in the room I was staying in at a friend's house in Lyon. I tried several different ways of making rice edible without needing to cook it. I put boxes of instant coffee and citric acid in my pack. If my calculations were correct, weighing a total of 12 kilos, I would have enough to last the whole way...There was nothing left for me to do but wait.» But spring arrived. After considering the length of the trip, the lone journey in fascist Spain, an ally of Hitler, as well as no knowledge of either Spanish or Portuguese, Serge Asher decided to stay in France.


Traduction : Catherine Lazernitz

Auteur(s) : Emmanuelle Benassi