Premiers pas, premiers actes



Au printemps 1941, Serge Asher poursuit ses études à Polytechnique tout en étant à l’affût de toute occasion lui permettant de manifester son refus de la défaite. Malgré l’appel du général de Gaulle, l’idée de la Résistance est, à cette période de la guerre, encore neuve et demeure le fait d’actes isolés. Au gré des hasards, des rencontres et des contacts, l’année 1941 est pour lui le commencement des ses actes de résistant.
« Je ne suis pas un résistant de 40, pour moi la Résistance a commencé en 41 »
. Avec le groupe du général Cochet...

 

                  First steps, first acts

In the spring of 1941, Serge Asher continued his studies at Polytechnique, all the while waiting for any chance to fight back. He still refused to accept France's defeat. Despite General de Gaulle's call for action, the Resistance at that point was still very small and disorganized.
«I wasn't a Resistant in 1940, for me, the Resistance began in 1941.»
And so, thanks to contacts and pure chance, Serge Asher would begin his life as a Resistant with General Cochet and his group...


Traduction : Catherine Lazernitz

Auteur(s): Emmanuelle Benassi
Source(s):

Serge Ravanel interviewé par Yves Blondeau le 9 juin 2006.


Serge Ravanel interviewed by Yves Blondeau on June 9, 2006.

Plan de l'expo

Crédits

Bibliographie

Le groupe du général Cochet haut ▲



C’est sans aucun doute dans l’espoir de trouver des éléments de réponse à ses nombreuses interrogations que Serge Ravanel se rend, aux alentours du 15 avril 1941 à Lyon, à la conférence du général Cochet. Cet « officier de l’armée de l’air appartenait à l’état-major de l’armée vichyste et éditait des petits bulletins ronéotypés dont un m’était tombé entre les mains… ce bulletin voyait tout en rose… c’était délirant mais nous avions besoin d’espoir et derrière ce délire, qui était quelque chose d’excessif, on voyait là un homme qui avait envie de faire quelque chose. A l’issue de la conférence, je lui ai posé une seule question : qu’est-ce qu’on fait, mon général ? Et c’est ainsi que je suis rentré en Résistance en avril 1941 » (1). « Il m’a adopté et j’ai rejoint son groupe qui était l’un des premiers groupes de la zone Sud. On avait le plaisir d’être réunis et de constater qu’on était plus nombreux que un » (2).
L’antenne lyonnaise de ce groupe était dirigée par Georges Oudard, journaliste connu de l’hebdomadaire L’Illustration. Envahi par le sentiment d’être dans une situation dramatique, Ravanel « trouve dans le groupe du général Cochet le moyen de se rassurer et d’avoir confiance » (3). Bien qu’il ne mène aucune action, « il correspond aux besoins de l'époque ; nous passions notre temps à discuter. C'était une entreprise à remonter le moral » (4), à se tenir informé sur les événements militaires. Après ces premiers pas au sein de ce groupe qui tâtonne et n’entreprend rien de concret, Ravanel « éprouve un certain sentiment d’inefficacité » et délaisse rapidement ces résistants trop « salonnards » pour chercher dans d’autres directions. « A force de discuter comme ça, j’ai trouvé que la Résistance c'était peut-être un peu plus. Et donc j'ai laissé tomber » (5). 

Sources : (1) Témoignage de Serge Ravanel dans l’émission « le cercle de Minuit », 23 mai 1995. (2) Serge Ravanel interviewé par Yves Blondeau, le 9 juin 2006. (3, 4 et 5) Serge Ravanel interviewé par Alain Vincent, le 18 novembre 2003.



                                     General Cochet and the Resistance


Clearly seeking answers, Serge Ravanel found himself outside of Lyon on April 15th, 1941, at a conference hosted by General Cochet. This «army officer seemed like a Major General for the Vichy army, and he had all of these flyers. I got a hold of one...the vision it depicted was all in pink...it was outrageous but we all needed something to hope for, and behind this crazy facade, we could see a man who wanted to take action. At the conference, I only asked one question: What are we going to do, General? And that was the moment that I joined the Resistance, April 1941» (1).
«General Cochet took me under his wing, and I joined his team, which was one of the first in the Free Zone. We were all glad to work together and know that we were not alone » (2).
The head of communications in Lyon was Georges Oudard, a journalist who was known for his work in L'Illustration. Thrilled to be a part of the action; Ravanel «found General Cochet and his team reassuring and comforting » (3). Even though he didn't lead any operations, «Ravanel did what was necessary at the time; we spent our times talking and discussing what could be done. It was a way to boost morale » (4) and to remain informed about what the military was doing. But after a while, seeing that General Cochet wasn't planning any missions, Ravanel «felt that there was more he could do » and left this group of «lazy » Resistants to find others with action in mind. «Because it was all talk, I found their Resistance lacking, and so I left » (5).


Traduction : Catherine Lazernitz

Auteur(s) : Emmanuelle Benassi

De l’intégration à un groupe d’action sociale à la diffusion de journaux clandestins haut ▲



En cette période au cours de laquelle règne « une espèce d’effervescence où les gens se rencontraient et passaient d’une microstructure à une autre microstructure » (1), Serge Ravanel cherche à devenir un peu plus autonome, à se distinguer par ce qu’il appellera plus tard « un profil particulier ». Cela se produit avec ce groupe d'action catholique qu'il intègre à l'été 1941 (2).
Au mois de juin, toujours en quête d’action, il s’inscrit à un groupe d’action sociale animé par Stanislas Fumet dans une vieille maison de la rue Constantine… , dont il ignore alors les activités de Résistance. « Cette organisation catholique était la conséquence de l’interdiction, par Vichy, d’un journal catholique qui s’appelait Les Temps Modernes(3). Les rédacteurs s’étaient retrouvés à la rue et ont continué à se voir, dans leur bureau, près de la place des Terreaux et le hasard m’avait fait entrer en contact avec eux… » (3)
Dans un premier temps, son travail consiste à parrainer une famille en difficulté vivant dans « une cahute misérable » à Saint-Fons. Très vite, il réalise que les diverses actions de charité qu’ils conduisent ne sont que des couvertures leur permettant de cacher bon nombre d’activités clandestines…

Sources : (1 et 4) Serge Ravanel interviewé par Yves Blondeau, le 9 juin 2006. (2) Serge Ravanel interviewé par Alain Vincent, le 18 novembre 2003. (3) Il s'agit en fait du journal Temps nouveau.

 

     
                     Joining the Clandestine Journalists

At a time where everyone seemed to «meet someone who knew someone else, and would simply pass from one little hierarchy to another » (1), Serge Ravanel wanted to find a way to be more independent, and to distinguish himself from what he called a «typical profile. » This desire led him to join a Catholic resistant group in the summer of 1941 (2).
In June, always looking for action, he joined a group led by Stanislas Fumet whose headquarters were in an old house on rue Constantine...and he forgot about the Resistance.
« This Catholic organization existed because Vichy had banned their newspaper, "Les Temps Modernes" ("The Modern Times"), from being published. The writers kept meeting at their office, close to the place des Terreaux, and I found them by chance... » (3).
At first, Ravanel's job was to help out a poor family who lived in a «miserable shack » in Saint Fons. But quickly he realized this charity work was a cover for the group's clandestine missions...


Traduction : Catherine Lazernitz

Auteur(s) : Emmanuelle Benassi

Ravanel constitue son groupe de diffusion de journaux clandestins haut ▲



L’adhésion de Serge Ravanel au groupe chrétien d’action sociale est le point de départ de nombreux contacts avec d’autres résistants et marque en fait son entrée effective dans la Résistance.

Au mois de septembre, il a définitivement abandonné le groupe de Georges Oudard et passe de plus en plus de temps au sein du groupe d’action sociale où il découvre malencontreusement, au gré de furtives allées-venues, un feuillet de Résistance intitulé Vérité… C’est ainsi qu'il se voit confier la diffusion dudit journal puis, dans un second temps, celle de Franc-Tireur. « C’est comme ça que mon activité militante a commencé. Par des distributions de journaux avec tout le mystère qui entourait les journaux : ils paraissaient, mais on ne savait pas du tout qui était derrière, c’était clandestin et nous étions en admiration devant ces journaux. Et ça a commencé avec Franc-Tireur… À partir de là, j’ai développé un groupe de dix à douze personnes autour de la Fac de droit où j’avais un copain… c’était aussi simple que ça. Il m’a introduit sous un faux nom » (1).
C’est en effet en dehors de Polytechnique, en terrain neutre, que Ravanel constitue ses équipes. Son petit groupe composé, au départ, de deux camarades désireux, comme lui, de faire quelque chose, s’étoffe rapidement de nouvelles recrues. Il dirige alors trois groupes de diffusion. Ensemble et en suivant des règles strictes de discipline, nouvelles et improvisées pour tous, ils « écoulent quelques centaines d’exemplaires par semaine ». « Les journaux clandestins sont une des premières armes de la zone Sud » et c’est dans cette rue Constantine à Lyon qu’au fil des mois, la plupart des journaux clandestins qui dérangent certains et rassurent les autres voient le jour (CombatFranc-Tireur, France d’abord, Le Père Duchesne et divers tracts).

Sources : (1) Serge Ravanel interviewé par Yves Blondeau le 9 juin 2006.


                              
                             Ravanel Founds a Distribution Ring for Clandestine Newspapers

When Serge Ravanel joined the Catholic charity group, it was the beginning of the end for his involvement with General Cochet and his other resistant contacts. But it also meant that Ravanel was joining up the Resistance in a new, effective way. In September, he officially broke from Georges Oudard's group and spent more and more time with the Catholic Charity. One day, he discovered a paper for the Resistance called Verité...soon after, he was trusted with the distribution of another paper, the Franc-Tireur.
«That was how my career as a militant began. All this mystery surrounded the paper, and no one knew who was writing it. The paper was undercover and we all admired the men and women who were behind it. And all of this started for me with the Franc-Tireur...As a part of the operation there, I met ten or twelve others like myself through a friend at the Law School...it was as simple as that. He introduced me under a pseudonym» (1).

Outside Polytechnique, on a neutral ground, Ravanel began his own operation. His team had only two others at first, both of whom were friends who wanted to take action as well, but it soon grew. Ravanel quickly had three distribution groups under his command. Following a strict set of rules that they made up as they went along, they «distributed several hundred papers per week ». «The clandestine papers were some of the first in the Free Zone » and from that house on rue Constantine, several others were published, inciting fear in some and hope in many (Combat, Franc-Tireur, France d’abord, Le Père Duchesne et divers tracts).


Traduction : Catherine Lazernitz

Auteur(s) : Emmanuelle Benassi

Premiers sabotages au printemps 1942 haut ▲



A partir de son activité de diffusion de journaux clandestins, Serge Ravanel va se constituer un premier réseau de relations dans les milieux résistants, notamment ceux du monde ouvrier en la personne de M. Michel, son livreur des journaux Franc-Tireur, qui va jouer un grand rôle dans sa vie : « Nous étions ma mère et moi de la petite bourgeoisie et je ne connaissais pas d’ouvrier. Il ne m'a pas humilié, il m'a pris en affection, il le faisait fraternellement. Il est l’un des premiers hommes de la classe ouvrière qui m'ait influencé. Il revenait toujours sur cet esprit de courage et de solidarité de la classe ouvrière persuadé que la Résistance devait s'appuyer sur des ouvriers » (1).
Avec ce social chrétien, Ravanel découvre « la fraternité du monde ouvrier ». C’est auprès de lui qu’il vient chercher des contacts afin d’utiliser ses bombes incendiaires qu’il destine aux wagons de marchandises incendiables en partance pour l’Allemagne. Il le met en relation avec une de ses connaissances : un certain M. Cavalier, ancien syndiqué, employé comme administratif aux ateliers de la Mouche et dont « la carte professionnelle lui permettait de se déplacer partout dans l’enceinte des chemins de fer où il connaissait beaucoup de monde » (2).
Confectionnées à partir de produits en vente libre, ces bombes, dotées d’un système de retardement, incertain, résultaient d’une technique de sabotage simple qui consistait à « introduire de l’acide sulfurique dans les boîtes à graisse des essieux afin de provoquer leur grippage » (3). Ravanel convainc des cheminots d’en mettre sur des cargaisons susceptibles de prendre feu, comme par exemple des wagons de fourrages. 

Sources : (1) Serge Ravanel interviewé par Alain Vincent, le 18 novembre 2003. (2 et 3) Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Editions du Seuil, 1995.



                                First acts of Sabotage, Spring of 1942

While working to distribute the clandestine newspapers, Serge Ravanel became involved with another network of Resistants, composed mostly of workers. Most notably M. Michel, the man who delivered the Franc-Tireur, and this man would become an extremely important person in Ravanel's life: «I came from an upper-middle class family and had never met anyone who was in the working class. He never made me feel bad about that, and treated me instead like a brother. He was one of the first men in the working class who influenced me, and was proof of the courage and solidarity that the Resistance leaned on for help »(1).

By working with the Catholic charity, Ravanel discovered the «fraternity of the working class.» Through Michel, Ravanel began making contacts with those who were bombing trains filled with supplies bound for Germany. He got in touch with one man in particular: M. Cavalier, a union member, who was employed in the administration for the railway system, and so «he had access to all of the railways and knew a lot of people who worked there» (2).

Made from whatever materials were available, these time bombs were unpredictable. To sabotage the trains, they used a simple technique: «put sulfuric acid into the box of axel grease on the trains in order to jam their systems» (3). Ravanel convinced the men to put the bombs in the trains carrying grain because they were more likely to burn.

Traduction : Catherine Lazernitz

Auteur(s) : Emmanuelle Benassi

Ravanel devient « un opposant qui agit dans l’illégalité » haut ▲



De septembre 1941 au printemps 1942, alors que le gouvernement du maréchal Pétain s’engage clairement dans une politique de collaboration, une « chasse aux résistants se met en place ». Dès lors, Ravanel réalise qu’il devient, avec ses deux principales activités – d’une part la diffusion de journaux clandestins, d’autre part ses actes de sabotages personnels – un opposant qui agit dans l’illégalité.
Conjointement, il suit sa formation à l’école polytechnique qui ignore tout de ses actions clandestines. « Je n’en parlais strictement pas à mes camarades de l’école. […] et je n’ai jamais failli à cette règle » (1). « Je ne devais absolument pas être soupçonné de mes actions de résistant auprès de mes camarades de polytechnique » (2).
Bien qu’il ne soit, à ce moment précis de la guerre rattaché à aucun mouvement ni réseau de Résistance, un nouveau mode de vie se met en place, des règles de sécurité et de méfiance s’imposent. Très vite et sans difficulté, Serge Ravanel apprend et adopte cette nouvelle façon de vivre et comprend dès ce moment-là que les résistants devaient se comporter en professionnels, établir des règles de sécurité, apprendre à repérer le danger.
Serge Ravanel en fait l’expérience au cours de l’été 1941 alors qu’il profite de ses quelques semaines de vacances pour « aller voir à Paris ce qu’il s’y passe ». Dépourvu d’Ausweis, indispensable pour passer la ligne de démarcation, il met en place un astucieux moyen lui permettant de voyager sous les wagons de voyageurs, sous le plancher, dans le train de nuit à destination de Paris. A l’aide de trois épaisses courroies de cuir terminées avec de grosses boucles, qu’il se procure chez un sellier de Grenoble, il se construit une sorte de litière qu’il place entre les barres qui commandent le serrage des patins de freins. Bénéficiant de la pleine obscurité, il se glisse à cet endroit en trois secondes, à Sennecey-le-Grand, dernier arrêt avant Châlon-sur-Saone où passe la ligne de démarcation et où le train s’arrête une heure, le temps de vérifier les laissez-passer des voyageurs. Il profite du premier arrêt en zone Sud à Chagny pour descendre en toute hâte de sa litière et remonter dans un wagon où il s’installe parmi les autres voyageurs après une brève toilette. Arrivé à Paris, il retrouve son beau-père et réalise que, malgré des apparences neutres et ordinaires, bon nombre de Français, noyés dans la masse sont engagés dans diverses actions comme en témoignent des arrestations massives de la Gestapo.

Sources : (1) Serge Ravanel interviewé par Yves Blondeau le 9 juin 2006. (2) Serge Ravanel interviewé par Alain Vincent le 18 novembre 2003.


                          Ravanel becomes a «Resistant fighting by illegal means »

From September 1941 to the spring of 1942, with Maréchal Pétain's regime obviously collaborating with the Germans, a «hunt for Resistants had begun. » Ravanel quickly realized that because of his involvement with the distribution of the Resistance newspapers and sabotage of Vichy trains, he would be a target for the authorities. As this was going on, Ravanel continued his studies at Polytechnique. No one there knew anything about his work in the Resistance. «I could never speak of it to my friends at school...and I never did» (1). «It was of the upmost importance that no one at school ever suspected me of being a Resistant» (2).

Even though he wasn't officially in a Resistance network at the time, a new chapter of his life had begun, and along with it, new rules to live by. But Serge Ravanel learned how to adapt quickly and easily, realizing that he needed to create and follow rules to protect himself, and learn how to spot danger.

Serge Ravanel's new skills were tested, however, when he decided to take advantage of a school vacation to go to Paris «to see what was happening». Without an Ausweis, necessary for passing into the North Zone, Ravanel had to find another way across. Using three thick straps of leather with heavy buckles—bought from a seller in Grenoble—Ravanel managed to make a sort of bed under the floor of the train. In order to cross the Demarcation line, he needed to stay hidden between the stops of Sennecey-le-Grand and Châlon-sur-Saône, where the train stops for one hour so the police could verify that the passengers had proper identification.

Completely hidden from view, he took advantage of the first stop in the Free Zone, Chagny, getting off as quickly as possible and going into a passenger car. He sat down with two other passengers after pretending to have used the bathroom, and successfully crossed into the North Zone. When he arrived in Paris, he visited his step-father and realized that, despite appearing like everything was normal, the Parisians and others in the North Zone were in the grip of the Gestapo.


Traduction : Catherine Lazernitz

Auteur(s) : Emmanuelle Benassi