Vers la Libération

La Libération est annoncée, de manière tragique, par les bombardements alliés meurtriers qui touchent, depuis la fin mai 1944, un grand nombre d’agglomérations de la région. Mais, dans le Midi, la période de la Libération commence, pour les organisations de Résistance, en juin 1944. Celles-ci croient qu’un débarquement sur les côtes méditerranéennes va suivre celui de Normandie et répondent à l’ordre de mobilisation générale. On assiste alors à une véritable montée au maquis qui est férocement réprimée par les Allemands. Après deux mois d’un été terrible qui voit la Résistance se diviser et être décimée par des massacres, la véritable Libération commence avec le débarquement sur les côtes varoises, le 15 août 1944.

Auteur(s): Equipe PACA

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Les bombardements (mai-juin 1944) haut ▲

Depuis septembre 1943, la ligne ferroviaire de la côte méditerranéenne est fréquemment bombardée par l'aviation alliée. Dans le même temps, les sites industriels et portuaires de Marseille, Nice, Cannes-La Bocca et Toulon connaissent des dommages entraînant une paralysie plus ou moins longue du trafic. Au printemps 1944, les Alliés accélèrent la préparation des débarquements. Dans cette perspective, une dizaine de jours avant le débarquement en Normandie, les 25, 26 et 27 mai, les villes du Sud-Est et du Centre-Est de la France sont bombardées : Carnoules le 25 mai ; Chambéry, Grenoble, Lyon, Nice, Saint-Etienne, et Saint-Laurent-du-Var le 26 mai ; Avignon, Forcalquier, Nîmes, Marseille et Montpellier le 27 mai. Les bombardiers visaient soit les infrastructures ferroviaires pour empêcher l'armée allemande d'acheminer des troupes et du matériel vers l'ouest de la France, soit les aérodromes comme celui de Montpellier-Fréjorgues.

Leur but était aussi d'empêcher l'acheminement de renforts en direction des zones visées. Même si certaines villes – telles Marseille – avaient déjà connu des bombardements de différentes origines (bombardement allemand, italien puis britannique en 1940, américain en 1943), ceux de mai 1944 ont immédiatement suscité une polémique ayant trait à la différence entre les objectifs initiaux poursuivis par les Alliés et les résultats, et les conséquences dont eurent à pâtir les populations. En effet, le nombre important de victimes et de destructions s’est avéré un prix très élevé par rapport à la faible destruction du matériel ferroviaire et à ses répercussions sur le trafic des trains. 

En juin 1944, les raids des Alliés se poursuivent. Ainsi, la gare de triage de Miramas est mitraillée les 7, 8 et 9 juin, tandis que celle de Sète est bombardée le 25 juin, ainsi que les raffineries de pétrole de Balaruc et de Frontignan. De leur côté, le même jour, Arles et Tarascon – de par leur position stratégique sur le Rhône – connaissent un premier bombardement qui entraîne des dégâts matériels et humains importants.

Tous ces bombardements laissent un traumatisme toujours présent dans l’esprit de ceux qui les ont vécus.

Auteur(s) : Equipe PACA
Source(s) :

Robert Mencherini : « Leçon des tombeaux » et polysémie mémorielle. Autour des bombardements de Marseille, le 27 mai 1944", in Actes du Colloque international « Bombardement 44 : Le Havre, Normandie, France, Europe. Stratégies et vécus », Le Havre 3-5 septembre 2014 (à paraître).

La formation des maquis de juin 1944 en Provence haut ▲

Le débarquement de Normandie du 6 juin 1944 est accompagné, dès le début du mois, par des messages de mobilisation générale de la Résistance, émis vers l’ensemble du pays. En Provence, ils sont relayés par les organisations clandestines qui pensent très proche un débarquement sur les côtes méditerranéennes.

Le 1er juin, dans la soirée, le message d’alerte générale « Le gendarme dort d’un œil », passe sur les antennes de la BBC. Dès le lendemain, le capitaine Lécuyer, Sapin, de l’ORA, envoie des émissaires vers tous les échelons départementaux. Il accueille les messages de confirmation de l’opération, quelques jours après, avec un « énorme soupir de soulagement ». Il se souvient, dans ses mémoires, que « le 5 juin, au soir, parmi les 210 messages passés par la BBC figurait nos quatre messages d’exécution ». Les résistants savent qu’il faut saboter les moyens de transport (« Plan vert »), les télécommunications (« Plan Violet »), les dépôts de carburants (« Plan Tortue »). Le fameux « Méfiez-vous du toréador » appelle au déclenchement du « Plan rouge » d’une guérilla généralisée.

La plupart des organisations et formations armées de la Résistance prônent une action immédiate d’envergure dans le Midi. Le 6 juin, l’« ordre du jour » du haut commandement FTPF de la zone Sud – amplement relayé - appelle à l’insurrection nationale et à assurer la libération de larges fractions du territoire national partout où le rapport de forces le permet. À 17 heures, c’est le général de Gaulle lui même, qui, depuis Londres, exhorte les Français à participer à la « Bataille suprême »: « Pour les fils de France, où qu’ils soient, quels qu’ils soient, le devoir simple et sacré est de combattre par tous les moyens dont ils disposent. Il s’agit de détruire l’ennemi qui écrase et souille la patrie, l’ennemi détesté, l’ennemi déshonoré ».

L’état-major régional FFI a prévu un « plan d’opérations » qui organise la région en plusieurs zones de maquis. De fait, on assiste alors, dans l’ensemble des départements provençaux, à une véritable « montée au maquis » qui s’étend bien au-delà de la Résistance organisée. Cette levée en masse bouscule les stratégies établies. Beaucoup plus étendue que prévu et difficile à canaliser, elle touche aussi des localités de la Provence intérieure, momentanément « libérées ».

Auteur(s) : Robert Mencherini
Source(s) :

Archives nationales 72 AJ 104, AIII 7 bis, le Kommandeur de la SIPO et du SD de Marseille, « Rapport final (…) Affaire Catilina », Marseille, 6 juillet 1944, signé Dunker, SS Scharführer ;

Sapin (Jacques Lécuyer) et quelques autres, Méfiez-vous du toréador, Toulon, AGPM, 1987;

Jean Garcin, De l’armistice à la Libération dans les Alpes de Haute-Provence, 17 juin 1940-20 août 1944, Digne, Imprimerie Vial, 1983, réed. 1990 ; 

Jean-Marie Guillon, La Résistance dans le Var, essai d’histoire politique, thèse de doctorat d’État, dir. Émile Temime, Université de Provence, Aix-en-Provence, 1989, 2 volumes, 919 p., annexes, 280 p. ;

Jean-Louis Panicacci, Les Alpes-Maritimes dans la guerre 1939-1945, Sayat, De Borée, 2013 ;

Robert Mencherini, Résistance et Occupation, 1940-1944, Midi rouge, Ombres et lumières. Histoire politique et sociale de Marseille et des Bouches-du-Rhône, 1930 - 1950, tome 3, Paris, Syllepse, 2011.

Juin 1944, Résistance et maquis sous le feu dans les Bouches-du-Rhône haut ▲

La « montée au maquis » et les mouvements de population qu’elle suscite peuvent difficilement passer inaperçus des autorités françaises et des Allemands. En dépit de toutes les précautions prises, certains incidents ou accrochages attirent forcément l’attention. De plus, dans les Bouches-du-Rhône, les occupants disposent d’informations essentielles, obtenues à la suite d’une trahison, qui leur permettent de mener une action répressive d’envergure. L’épisode est bien connu depuis la découverte, à la Libération, du rapport dit « Catilina », rédigé par le responsable du SIPO-SD de Marseille, Ernst Dunker-Delage.

Les renseignements ont été donnés aux Allemands par un responsable militaire de la mission interalliée qui leur a, en effet, offert ses services. Devenu l’agent Érick, il les informe sur les plans Rouge et Vert et un débarquement allié en Provence, programmé pour les 7 et 8 juin 1944. Les précisions fournies par Érick permettent aux occupants de frapper à coup sûr. Elles concernent des responsables de la Résistance de la région (à Marseille, Salon-de-Provence et ses environs, La Motte-d’Aigues, dans le Vaucluse), divers points de rassemblement de la Résistance (comme Martigues) et certains maquis de la « zone d’influence » (maquis de la Chaîne des Côtes). Mais tous les sites du département où s’exerce la répression allemande ne figurent pas dans le rapport Catilina. C’est le cas pour le quartier de La Galine à Saint-Rémy et pour les maquis de Jouques, de La Trévaresse, du Ligourès, de Vauvenargues, de Saint-Antonin-sur-Bayon et du Plan-d’Aups (à la limite entre Var et Bouches-du-Rhône).

Les maquis de « la zone d’influence » sont de types divers. Ce qui les rapproche, en dépit de quelques différences de relief (plus ou moins grande altitude, etc.), c’est d’abord l’aridité et l’inhospitalité de ces territoires : il est quasiment impossible pour d’importantes concentrations d’hommes d’y subsister avec des ressources locales. Par ailleurs, les sites des collines ne sont jamais très éloignés des troupes allemandes cantonnées alentour. De ce point de vue, ils n’ont que peu de points communs avec le Mont Mouchet ou le Vercors. Cette proximité n’est pas compensée par le dénivelé. Enfin, on a affaire à des espaces réduits, séparés les uns des autres par la plaine où des routes permettent à l’occupant des déplacements rapides. On a même pu comparer ces sites aux « cases d’un échiquier ». Toutes ces caractéristiques ont des conséquences en matière de stratégie militaire.

Mais, bien qu’il ne faille pas exagérer cet aspect, ce sont, sans doute, les questions d’encadrement qui les différencient le plus. La « montée aux maquis » draine des résistants de tous horizons, mais les commandements des diverses zones ne sont pas identiques : ils sont plus ou moins expérimentés et de sensibilités différentes.

Auteur(s) : Robert Mencherini
Source(s) :

Archives nationales 72 AJ 104, AIII 7 bis, le Kommandeur de la SIPO et du SD de Marseille, « Rapport final (…) Affaire Catilina », Marseille, 6 juillet 1944, signé Dunker, SS Scharführer ;

Sapin (Jacques Lécuyer) et quelques autres, Méfiez-vous du toréador, Toulon, AGPM, 1987 ;

Robert Mencherini, Résistance et Occupation, 1940-1944, Midi rouge, Ombres et lumières. Histoire politique et sociale de Marseille et des Bouches-du-Rhône, 1930 - 1950, tome 3, Paris, Syllepse, 2011, p. 541-543.

Les Comités départementaux de Libération haut ▲

La plupart des comités départementaux de Libération (CDL) s’organisent dans les derniers mois de 1943 et au début 1944. Ils regroupent mouvements, partis et syndicats engagés dans la Résistance. Ils ont comme fonction, selon le Statut des comités départementaux de Libération, adopté par le CNR le 23 mars 1944, « d’unir pour l’action et dans l’action, l’ensemble des forces résistantes du département ». Pendant la période clandestine, ils sont appelés à chapeauter des comités locaux de libération (CLL) et à coordonner l’action immédiate. En lien avec l’état-major FFI, ils doivent prendre toutes dispositions pour préparer le mouvement insurrectionnel et la relève des autorités vichystes. Pendant la période insurrectionnelle, il leur est demandé d’élargir le mouvement, de faciliter la mise en place des nouvelles autorités, de se préoccuper de l’épuration et du ravitaillement. Ces préconisations générales se déclinent évidemment de différentes manières selon les situations départementales, les rapports de force et la répression qui touche de nombreux responsables. Pour des raisons d’efficacité et de sécurité, chaque CDL est dirigé par un « noyau actif » restreint. Le texte rappelle également que, après la Libération, les CDL sont amenés, élargis à d’autres organisations, à jouer un rôle consultatif auprès des nouveaux pouvoirs publics, ce que confirme l’ordonnance du 21 avril 1944, « portant organisation des pouvoirs publics en France après la Libération ».

Une commission du CNR, présidée par Francis Closon, Fouché, est chargée de la mise en place des CDL. Mais, de fait, une structure particulière (au départ, « une séance de coordination » mensuelle) s’avère rapidement indispensable pour « résoudre les problèmes particuliers à la zone Sud ». Les participants à cette commission de coordination de zone Sud en mars 1944 représentent les MUR, le FN, le PCF et la CGT. Selon le rapport envoyé en mars 1944 à Alger par Francis Closon, elle est difficile à gérer, chacun amenant ses « supporters ». S’y ajoutent ensuite « La France au combat » et le PS en la personne de Gaston Defferre, Danvers, ce qui renforce la présence socialiste. Et Francis Closon confie à Francis Leenhardt, Lionel, de même sensibilité, le suivi des comités de zone Sud. En Provence, la situation des CDL est assez différente selon les départements.

Auteur(s) : Robert Mencherini
Source(s) :

René Hostache, Le conseil national de la Résistance. Les institutions de la clandestinité, Paris, PUF, 1958, coll. Esprit de la Résistance, pp. 288-316 et annexe IV, p. 465 et sq. ;

« Rapport n° 4 de Fouché », envoyé à Alger en mars 1944, Henri Noguères, en collaboration avec Degliame-Fouché, Histoire de la Résistance en France, Paris, Robert Laffont, 1967, tome 4, p. 516 et sq. ;

Robert Mencherini, Résistance et Occupation, 1940-1944, Midi rouge, Ombres et lumières. Histoire politique et sociale de Marseille et des Bouches-du-Rhône, 1930 - 1950, tome 3, Paris, Syllepse, 2011, pp. 541-543.

Le Commissaire régional de la République (CRR) haut ▲

Le comité français de libération nationale (CFLN) se pose, très tôt, à partir de 1943, la question des pouvoirs à établir lors de la Libération du pays, au cours de la période qui suivra l’écroulement de l’État français. Le général de Gaulle, qui préside le CFLN, entend que les pouvoirs en province se mettent en place sous la direction de celui-ci. C’est tout le sens de l’ordonnance décidée à Alger, le 10 janvier 1944 (mais publiée uniquement le 6 juillet 1944), « portant division du territoire de la métropole en commissariats régionaux de la République et création de commissariats régionaux de la République ». Les commissariats régionaux épousent les contours des dix-huit régions instaurées sous Vichy. Le choix de la région s’est imposé, de préférence à la structure républicaine traditionnelle des départements : il était difficile de trouver quatre-vingt-dix responsables patriotes et compétents et la structure régionale paraissait plus efficace pour faire face à l’émiettement du territoire lié à une libération échelonnée du territoire.

Pour surmonter les difficultés de gestion inévitables au moment de la Libération, les dix-huit commissaires régionaux de la République sont investis, par l’ordonnance du 10 janvier 1944, de pouvoirs exceptionnels qualifiés de « dispositions exorbitantes de la légalité traditionnelle ». Il s’agit, par exemple, du pouvoir de suspendre tous les textes législatifs et règlementaires, les sanctions pénales et les poursuites judiciaires, d’ordonner toute mesure nécessaire, de suspendre tout fonctionnaire, de faire procéder à toute opération de police judiciaire, de requérir toute personne et réquisitionner tout bien indispensable, dans le cadre de la loi du 11 juillet 1938, etc. Les CRR sont nommés, après consultation de la Résistance, par le CFLN ou, après juin 1944, par le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF). Les commissaires régionaux de la République sont ainsi la clef de voûte, en province, des nouveaux pouvoirs français, sous direction du GPRF.

Auteur(s) : Robert Mencherini
Source(s) :

Charles-Louis Foulon, Le pouvoir en province à la libération, Paris, PFNSP/Armand Colin, 1975 ; 

Charles-Louis Foulon, « Commissaires de la République », François Marcot et al., Dictionnaire historique de la Résistance, Paris, Robert Laffont, 2006, p. 182.