2023-2024 : "Résister à la Déportation"

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Sauvetage des indésirables haut ▲

 Le 14 avril 1938, le ministre de l'Intérieur, Albert Sarraut, invite dans une circulaire les préfets à  " mener une action méthodique, énergique et prompte en vue de débarrasser le pays des éléments indésirables. " Ces " indésirables " désignent aussi bien les réfugiés anti-nazis allemands que les travailleurs immigrés ou les  familles de Républicains espagnols qui fuient la guerre. Les difficultés économiques, l'afflux de réfugiés à la suite de l'arrivée au pouvoir de Hitler et de l'emprise grandissante du nazisme en Europe centrale entraînent une montée de la xénophobie et de l'antisémitisme, attisée par une partie de la presse et de la classe politique. Les gouvernements de la IIIe République adopte une législation de plus en plus contraignante à l'égard des " indésirables ".

Le décret-loi du 12 novembre 1938 permet l'internement des indésirables  dans des " centres spécialisés ".  Le décret-loi du 18 novembre 1939 aggrave les dispositions du décret de 1938 et permet l'internement à titre préventif de tout élément " suspect au point de vue national et politique. "C'est une loi des suspects. Les communistes français rejoignent les indésirables étrangers dans les camps après la signature du pacte germano-soviétique. Après l'entrée des troupes allemandes en Belgique, le 15 mai 1940, il est décidé l'internement des ressortissants du Reich âgés de 17 à 56 ans et le 17 mai des femmes âgées de 17 à 65 ans.

Par l'article 19 de la convention d'armistice signée le 24 juin 1940 avec l'Allemagne, le gouvernement français accepte de livrer sur demande les réfugiés antinazis à qui il a donné asile.Tous les échelons de l'administration sont sommés de participer à la traque et l'internement des " indésirables ".

Pour les organisations caritatives, militants politiques ou syndicalistes, simples citoyens, il ne suffit plus de secourir les internés des camps, il faut aider les persécutés menacés de déportation et peut-être pire à quitter la France. Très vite le choix s'impose à eux : rester dans une légalité paralysante ou passer à l'action illégale et clandestine. Marseille et sa région qui étaient apparues à beaucoup comme un refuge et une porte vers l'émigration deviennent un piège mais aussi la plaque tournante de nombreuses  filières de sauvetage.

Auteur(s) : Sylvie Orsoni
Source(s) :

Les camps en Provence ; exil, internement, déportation, 1933-1944, Aix-en-Provence, Alinéa, 1984.

Grynberg Anne, Les camps de la honte. Les internés juifs des camps français, 1939-1944, La Découverte/Poche, Paris, 1999.

Laborie Pierre, " Les Espagnols et les Italiens dans l'imaginaire social ", in P. Milza et D. Peschanski (sous la dir. De ), Exils et migrations .Espagnols et Italiens en France 1938-1946, Paris, L'Harmattan, 1994, p .275 .

Mencherini Robert, Midi rouge, ombres et lumières. 1. Les années de crise, 1930-1940. Paris, Syllepse, 2004.

Mencherini Robert, Vichy en Provence, Midi Rouge, ombres et lumières, tome 2. ,Paris, Syllepse, 2009.

Mencherini Robert, De la galaxie des Milles aux rafles de juifs en Provence, in Provence-Auschwitz. De l'internement des étrangers à la déportation des Juifs, 1939-1944 (dir. Robert Mencherini), collection Le temps de l'Histoire, P.U.P., Aix-en Provence, 2007.

Peschanski Denis, La France des camps. L'internement 1938-1946, Editions Gallimard, Paris, 2002.

Seghers Anna, Transit, Paris, la Bibliothèque française, rééd. Aix-en-Provence, Alinéa 1986. 

Thalmann Rita, " L'accueil des émigrés allemands en France de 1933 à la déclaration de guerre, in Jacques Grandjonc (sous la dir. de), Emigrés français en Allemagne, émigrés allemands en France, 1685-1945, Paris, 1983.

Sauver les Juifs de la déportation haut ▲

Sauver les Juifs  de la déportation à travers initiatives individuelles et réseaux. L'exemple français

 

Lorsqu'il apparaît que les Juifs sont susceptibles d'être transférés  « à l'est », avant même que les premiers témoignages ne montrent qu'ils sont  en fait en proie à une extermination, dans tous les pays d'Europe occupés par les armées allemandes, des chaînes de solidarité se mettent en place.  Des exemples issus des archives régionales françaises l'illustrent : réseau André fondé par Joseph Bass qui de toute la région sud-est conduit des enfants vers le refuge du Chambon-sur-Lignon ou la Suisse, fonctionnaires de l'Etat , diplomates  qui utilisent leur position pour fournir faux papiers, certificats de complaisance ou visas aux persécutés. Cette solidarité, lorsqu'elle est découverte se paie au prix fort.

 

Auteur(s) : Sylvie Orsoni
Source(s) :

Mencherini Robert, Résistance et Occupation (1940-1944). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 3. Paris, Syllepse, 2011.

La presse communiste juive haut ▲

Les immigrés communistes juifs étaient organisés en section de langue, le yiddish, au sein de la MOI(Main d'Oeuvre Immigrée) créée par le parti communiste français dans les années 1920. Le journal de la section juive, Die Naïe Presse, est interdite comme toutes les publications communistes, en septembre 1939 à la suite du pacte germano-soviétique. Il est remplacé par une édition clandestine sous le titre de Unzer Wort (Notre Parole).

Face à la politique antisémite menée par les autorités allemandes en zone occupée et par le gouvernement de Vichy en zone sud, la section juive tout en poursuivant la publication en yiddish, d'Unzer Wort, choisit le français pour les tracts, brochures et journaux qu'elle multiplie afin d'alerter les Juifs vivant en France quelque soit leur nationalité et la population non juive des persécutions, des déportations et à partir de 1942 de l'extermination qui se déroule dans les camps polonais. Ainsi Notre Voix estl'équivalent francophone de Unzer Wort.

A partir d'avril 1942, paraît en zone Nord J'accuse,journal de lutte contre le racisme(Fraternité pour la zone sud). A la fin de décembre 1942, la section juive de la MOI crée une organisation spécialement dédiée à la lutte contre l'antisémitisme. Le nom fluctue, Mouvement national contre la barbarie raciste, Mouvement de défense et de solidarité contre les  persécutions antijuives et les déportations, Mouvement de solidarité et de résistance  aux persécutions racistes et aux déportations avant de se fixer au printemps 1943 : Mouvement National Contre le Racisme( MNCR). Le terme « racisme » est définitivement choisi pour ne pas donner le sentiment qu'il s'agit d'une organisation de défense spécifiquement juive et rallier un maximum de non-juifs à la défense des persécutés. De même, les textes pourront employer le terme « déportation » aussi bien pour les transferts de Juifs vers les camps d'extermination que les envois de travailleurs en Allemagne au titre de la « Relève » puis du STO. La section juive de la MOI publie également sous différentes appellations : comités de femmes juives, Mouvement National des Femmes Juives dans la Lutte contre le Fascisme, organe des jeunes communistes juifs, des tracts et brochures dénonçant les persécutions.

Ces publications,tout en montrant que les populations juives connaissent un destin spécifique puisque victimes d'extermination, élargissent toujours le champ des persécutions à la population française toute entière. Par souci d'efficacité et parce que c'est la ligne du Parti communiste français.

 

Auteur(s) : Sylvie Orsoni
Source(s) :

Courtois Stéphane, Rayski Adam, Qui savait quoi ? L'extermination des Juifs, 1941-1945, éditions La Découverte, Paris, 1987.

Poznanski Renée, Propagandes et persécutions. La Résistance et le « problème juif », éditions Fayard, Paris, 2008.

Faire évader les résistant-e-s emprisonné-e-s haut ▲

Faire évader les résistants et résistantes emprisonnés s'impose à tous les réseaux et mouvements. Par  solidarité, bien sûr, mais aussi pour éviter que le groupe tout entier soit mis en danger par des renseignements extorqués sous la torture.  Les évasions, collectives ou individuelles, peuvent être organisées lors de transferts, ce qui suppose un affrontement armé avec l'escorte ou à partir de la prison elle-même comme dans le cas des prisons de Marseille et d'Aix-en-Provence. Connaître les lieux, les cellules où sont emprisonnés les camarades, les horaires les plus propices nécessite des complicités au sein du personnel pénitentiaire. Enfin, les évasions lors d'un séjour à l'hôpital constituent la configuration la plus favorable. Une fois l'évasion réussie, il faut trouver une cache sûre pour permettre au prisonnier ou à la prisonnière, souvent très éprouvé par la détention, de se remettre de ses épreuves et des faux papiers car la clandestinité s'impose. Plus rarement les évasions se déroulent pendant un transfert en train.

 

Auteur(s) : Sylvie Orsoni
Source(s) :

Mencherini Robert, Résistance et Occupation (1940-1944). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 3. Paris, Syllepse, 2011.

 

Le ghetto de Varsovie haut ▲

Le ghetto de Varsovie a fonctionné de novembre 1940 à mai 1943. Camp de concentration en pleine capitale européenne, il a regroupé jusqu'à 450 000 personnes. Les conditions de vie inhumaines, les exactions des soldats allemands, humiliant, assassinant des Juifs selon leur bon plaisir étaient connues des autres habitants. Aider les Juifs au péril de sa vie ou participer à leur anéantissement en les dénonçant lorsqu'ils arrivaient à franchir les murs du ghetto, tel fut le choix auquel durent répondre les habitants de Varsovie . Les mouvements de résistance polonais non juifs durent aussi choisir d'aider une population stigmatisée par bon nombre de leurs compatriotes ou laisser faire.  De juillet à octobre 1942, 310 000 personnes sont déportées vers Treblinka où elles sont exterminées.

 

Il ne reste plus dans le ghetto que 60 000 personnes dont la moitié sont clandestines lorsqu'éclate l'insurrection. Les organisations de jeunesse prennent l'initiative de la révolte. Avec de faibles moyens fournis par la résistance extérieure, le ghetto lutte du 19 avril au 16 mai 1943.  Cette lutte est immédiatement saluée par la presse de la Résistance dans toute l'Europe et devient un des symboles de la résistance à la barbarie.

 

Des soldats allemands photographient et filment le ghetto. Certains pour témoigner plus tard de l'ignominie, d'autres pour valider  la propagande nazie présentant les Juifs comme des sous-hommes répugnants et des dangereux terroristes .

 

Le ghetto de Varsovie illustre les difficultés de résister à la déportation :

-les conditions de vie organisées par les Allemands détruisent physiquement et moralement une grande partie de la population du ghetto. Elles favorisent l'individualisme : essayer de se sauver avec sa famille au détriment des autres. Le Judenrat et la police juive en sont le meilleur exemple, même si à la fin, cette stratégie se révèle illusoire.

-résister ne va-t-il pas aggraver la répression dont seront victimes les plus faibles, personnes âgées, enfants, malades. Se révolter quand il n'y a aucun espoir de victoire ?

-comment se fondre dans une population qui depuis des siècles vous rejette ?

Auteur(s) : Sylvie Orsoni
Source(s) :

Blady Szwajger Adina, Je ne me souviens de rien d'autre,éditions Calmann-Lévy, Paris, 1990.

Borwicz Michel (présenté par), L'insurrection du ghetto de Varsovie, éditions Julliard, coll. Archives, Paris, 1996.

Centre de documentation juive contemporaine,Le soulèvement du ghetto de Varsovie et son impact en Pologne et en France, table ronde organisée par le CDJC  le 17 avril 1983, éditions CDJC, Paris,1984.

Edelman Marek, Krall Hanna, Mémoires du ghetto de Varsovie, un dirigeant de l'insurrection raconte, éditions du scribe, Paris, version française 1983.

Gilbert Martin, Atlas de la Shoah, éditions de l'Aube, 1992

Heydecker H. Joe, Un soldat allemand dans le ghetto de Varsovie 1941,éditions Denoël, Paris, 1986

Ringelblum Emmanuel, Chronique du ghetto de Varsovie, éditions Robert Laffont, S.A., Paris, 1959

Résister à Auschwitz haut ▲

Auschwitz occupe une place à part dans l'univers concentrationnaire créé par les nazis. Il est à la fois camp de concentration pour les prisonniers politiques, les prisonniers de guerre soviétiques et d'extermination pour les populations juives et tziganes. 1 000 000 de Juifs,dont 69 000 Juifs de France, 140 000 à 150 000 Polonais, 23 000 Tziganes, 15 000 prisonniers de guerre soviétiques et environ 25 000 prisonniers d'autres nationalités dont 4 000 Français-e-s furent déportés à Auschwitz.

Entre mai 1940, date de sa mise en service et janvier 1945, date de l'évacuation du camp par les nazis et sa libération par l'armée soviétique , 1 300 000 hommes et femmes entrèrent à Auschwitz. Environ 400 000 personnes reçurent un matricule, 900 000 Juifs furent immédiatement gazés dés leur arrivée. Sur les 400 000 personnes enregistrées, 200 000  moururent dans le camp, de malnutrition, de maladies, de tortures, d'exécutions ou de gazage. Le 17 janvier 1945, devant l'avancée rapide des troupes soviétiques, les nazis entraînent dans des « marches de la mort » 58 000 détenu-e-s. Les survivants de ces transferts sont répartis dans des camps de concentration allemands où beaucoup meurent avant la libération. Le 27 janvier 1945, les soldats soviétiques  entrent dans le camp et découvrent environ 5 000 hommes, femmes et enfants qui avaient été laissés par les nazis en fuite.

A Auschwitz, tout était fait pour déshumaniser et avilir les détenus. Pour qu'une résistance s'organise, il fallait avoir encore un minimum de force physique, rassembler des moyens matériels indispensables, communiquer dans une langue commune. Les « sélections » périodiques (envoi à la chambre à gaz de détenu-e-s) et les transferts vers les camps annexes rendaient difficile la construction d'une organisation stable. Des groupes de résistance furent cependant mis sur pied.  Au printemps 1943 , une organisation internationale, « le groupe de combat d'Auschwitz», fut créée mais la Gestapo arrêta l'officier de liaison polonais chargé de coordonner la révolte avec la résistance polonaise hors du camp. Les responsables furent exécutés. Une autre tentative de révolte eut lieu de la part des déportés juifs du Sonderkommando( kommando chargé des chambres à gaz) en octobre 1944. Ils réussirent à incendier le crématoire IV.  Ceux qui tombèrent aux mains des SS furent exécutés. Un certain nombre  de détenus put s'évader. Mais se posait alors pour eux le problème de la survie dans un environnement hostile. 

Auteur(s) : Sylvie Orsoni
Source(s) :

Piper Frantciszek, « Auschwitz- Birkenau : lieu de mémoire et musée », Revue d'histoire de la Shoah, 2004/2(n° 181), p 145-155.

Poliakov Léon (présenté par), Auschwitz,éditions René Julliard, collection Archives, Paris 1964

Wellers Georges, « Révolte du Sonderkommando à Auschwitz », Le Monde Juif,1949/4 (18), p 17-18.

Résister et se souvenir par la création artistique haut ▲

La nécessité de contrer le projet nazi qui voulait effacer les traces de ses crimes, rayer de la mémoire collective l'existence même de ceux voués à l'anéantissement,- qu'ils soient déportés politiques « Nuit et brouillard » ou juifs- s'est imposée d'emblée aux victimes. Les artistes se sont posés la question de la forme à adopter qui ne soit pas trahison ou dérision.  Dans le yiddishland qui s'étendait de la Pologne aux pays baltes en passant par l'Ukraine et la Roumanie,ce sont les poèmes qui ont paru la  forme la plus acceptable  pour restituer la vérité parce qu'elle médiatise la réalité indicible de l'évènement. Onze poèmes, traduits du yiddish illustrent les différentes thématiques qu'ont abordé ceux que Rachel Ertel appelle « les chroniqueurs du désastre ». Un douzième apporte le regard du résistant polonais et prix Nobel de littérature Czelaw Milosz sur ce que fut la réaction d'une grande partie de ceux qui étaient du bon côté du ghetto.

Auteur(s) : Sylvie Orsoni
Source(s) :

Ertel Rachel,Dans la langue de personne,poésie yiddish de l'anéantissement, éditions Seuil, collection La librairie du siècle, Paris 1993, p.165.