Le journal Libération

Traumatisés par la défaite et l’occupation du pays, les Français sont longs à émerger du chaos. Face au pays démantelé, ils semblent hébétés. À Paris, le poids de l’Occupation se fait lourdement sentir par la vision des oriflammes nazis sur les édifices publics et les panneaux de signalisation allemands. Tout cela semble insupportable à quelques-uns. L’un des premiers à refuser cette situation est Christian Pineau, militant syndicaliste à la Fédération des fonctionnaires, qui compare l’occupant “à un corps étranger que l’organisme doit éliminer s’il veut survivre”.

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Aux origines : le Manifeste des douze haut ▲

Pour Christian Pineau comme pour d’autres, l’espoir est symbolisé par la radio anglaise. Sur place, il faut convaincre proches et amis sûrs dans une sorte de porte-à-porte patriotique. Christian Pineau tente de regrouper autour de lui les syndicalistes, dont son collègue Robert Lacoste, fonctionnaire à la Caisse des Dépôts et Consignations, l’un des premiers à le rejoindre. Avec son aide, il s’engage sur la voie de la rébellion en rédigeant avec une douzaine de camarades du Comité d’études économiques et syndicales réunis dans son appartement, 52 rue de Verneuil, un "Manifeste du Syndicalisme".

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S’opposer aux consignes données ne va pas de soi en zone occupée car cela suppose de courir de gros risques face aux Nazis qui ont entre les mains tous les leviers de commande et les moyens de répression. Cela exige de passer outre à la loi de Vichy, au gouvernement du Maréchal et de rompre avec la culture d’obéissance envers l’État. Ce qui permet à quelques-uns dont Christian Pineau de réagir plus vite ce sont les affinités politiques, professionnelles… Lui-même se sert de son appartenance syndicale pour tenter de “faire quelque chose”. Après la rédaction du Manifeste des Douze diffusé dans les deux zones, Pineau veut aller plus loin et se servir d’une couverture quasi légale pour rédiger un journal clandestin. Pour Christian Pineau, il faut exploiter les nombreux sujets de mécontentement dont il est témoin : démontrer que le potentiel industriel de la France est tombé aux mains de l’Occupant qui ne se gêne pas pour effectuer de lourdes ponctions de matières premières chères (cuir, laine, charbon…), insister sur le million et demi d’hommes prisonniers en Allemagne. Il faut aussi ouvrir les yeux sur les premières mesures discriminatoires envers les Juifs, sur la manière dont tous les habitants doivent se plier au bon vouloir des Allemands, en un mot, réanimer le souffle patriotique en veilleuse. Enfin le nazisme, la façon dont le maréchal Pétain s’est rangé du côté des vainqueurs et la collaboration doivent être dénoncés sans équivoque.