"Deuxième arrestation, deuxième évasion (15 mars au 24 mai 1943)"



Le 15 mars 1943, Ravanel se rend comme convenu au 7, rue de l’Hôtel de Ville. Tout lui semble normal. Raymond Aubrac et Kriegel sont arrêtés les premiers. L’arrestation de Ravanel survient ensuite.
Contrairement à ses camarades, qui n’ont sur eux aucun papier compromettant, il a en sa possession des « cartes Michelin crayonnées de bleu », ce qui rend sa « situation plus délicate ». Il tente de s’échapper mais en vain. Après une brève mais violente et sanglante poursuite dans la cage d’escalier de l’immeuble, « genre mêlée de rugby au cours de laquelle, j’ai, je crois, coupé le doigt de l’un et abîmé la clavicule de l’autre » (1), la police neutralise le « fou furieux qu’il est devenu » (2) et l’embarque dans une traction avec ses deux compagnons Aubrac et Kriegel en direction du commissariat de police, quai Perrache. Ravanel est interrogé le jour de l’arrestation par la police française au commissariat. Il applique le même stratagème que celui utilisé lors de sa première arrestation qui consiste à « échafauder une tactique d’aveu ». « L’idée de Résistance m’est indifférente. L’argent seul me motive ». La réussite du stratagème repose sur l’invention de scénarios vraisemblables très détaillés et insignifiants ; l’assurance que personne ne soit préjudiciable ; la capacité à trouver des techniques de mémorisation lui permettant « de répéter ses aveux autant de fois qu’il le faut, et sans erreur ».
Le 22 mars, après six jours passés au petit dépôt, dans les sous-sols du Palais de Justice, Ravanel est transféré à la prison Saint-Paul dans la cellule D54 qu’il partage avec quatre compagnons : Raymond Aubrac, Kriegel, François Morin et R. Hego. Il y passe près de deux mois et n’en conserve, malgré une « menace permanente de l’arbitraire…, aucun mauvais souvenir » (3). « Une dizaine de jours après son arrivée dans la prison, on le conduit à l’hôtel Terminus, siège provisoire de la Gestapo où il subit un interrogatoire de deux à trois heures. Une parfaite maîtrise et un sang-froid déconcertant, lui permettent de « gagner la partie ». Il est reconduit dans sa cellule.

Le comité directeur de Libération décide une opération d’évasion des cinq membres. Bien que n’étant pas un responsable important, le nom de Ravanel figure sur la liste. Avec la complicité de l’abbé Marty, aumônier de la prison, du médecin et de quelques infirmières, Mme Monod-Laffargue, responsable des visiteuses de prison et son avocat Me Claps, un plan d’évasion est rapidement mis en place. A l’occasion de visites, ces derniers leur transmettent les consignes par le biais de cigarettes dans lesquelles se trouvent des « messages minusculement écrits sur de minces feuilles de papier à cigarette ». Grâce à « leur aide et celle de nos camarades de la Résistance qui étaient dehors, nous avons réussi à nous faire porter malades les uns après les autres, pour que cela n’attire pas l’attention, à l’hôpital de l’Antiquaille réservé aux prisonniers malades et dont les salles étaient gardées par des gendarmes ». Après Aubrac, Kriegel et Morin, vient le tour de Ravanel le 14 mai. L’action commando se déroule le lundi 24 mai. Le groupe-franc constitué de neuf personnes et équipé de trois voitures, « se présente comme étant de la Gestapo ; porteurs de faux papiers bourrés d’un tas de croix gammées confectionnés à partir d’imprimés et de tampons complètement fantaisistes » (4). Ainsi, malgré « l’intervention du directeur de l’hôpital qui s’interpose fermement », ils pénètrent, dans les bureaux de l’Administration prétextant le transfert de trois prisonniers. En trente minutes, « Forestier, Kriegel et moi retrouvons la liberté ».

Sources : (1) Serge Ravanel, interview de Christine Lévisse-Touzé (7 novembre 1998). (2) Op cit. (3) Op cit. (4) Serge Ravanel, Le refus (14 mai 1995) France 2.


                        Second Arrest, Second Escape (March 15th to May 24th, 1943)

March 15th 1943, Ravanel arrived at 7 rue de L'Hôtel de Ville. Everything seemed normal until Raymond Aubrac and Kriegel were arrested. Ravanel was next.

Unlike his comrades, Ravanel was carrying «maps with blue crayon all over them», which would be «difficult to explain.» He tried to escape but in vain. In a brief but extremely violent and bloody fight in the building's elevator, Ravanel was finally arrested after «going berserk»: «It was like a rugby match. I think I cut one man's finger off and broke the other's collarbone» (1).


He was sent to the police station at Quai Perrache with Aubrac and Kriegel. There, he was interrogated by a French police officer. He decided to use the same tactic as before: «make up a confession». «The Resistance didn't interest me at all, only money did.» The strategy only worked because Ravanel was able to come up with stories that were detailed, but forgettable enough to be convincing. He needed to seem neutral and be able to remember his story so he could «repeat it over and over as many times as necessary without making a mistake.»

March 22, after six days in the little depot in the basement of the Palais de Justice, Ravanel was transferred to the prison at Saint-Paul into cell D54 which he shared with four others: Aubrac, Kriegel, F. Morin, and R. Hego. He spent almost two months there without «anything bad happening...and no bad memories» (3). «A dozen days after he arrived, Ravanel was taken to the Hôtel Terminus, a Gestapo headquarters, for a three- hour interrogation. Because of his perfect calm and cool head, he was able to «convince them he was innocent.» He was taken back to his cell.

The head of the Libération movement decided to launch an operation to free the five members. Even though he wasn't an important figure, Ravanel's name was still on the list. With the help of the Father Marty, a doctor, some nurses, Mme Monod-Lafargue—in charge of visitors to the prison—and her lawyer, M. Claps, the Libération movement was able to put together an escape plan quickly. Each time a member visited, they would leave cigarettes that had «tiny messages hidden in the cigarettes' paper.» Thanks to «the Resistance's members' help from the outside, we knew how to pretend to be ill. And so, one after the other, so as not to attract attention, we were sent to the hospital in Antiquaille that was reserved for prisoners. The rooms were guarded by the police.» After Aubrac, Kriegel and Morin, it was Ravanel's turn on May 14th. The commando operation began Monday, May 24th. The GF had a team of nine people in three cars and when «they presented themselves to the Gestapo, they were prepared with false papers that were covered in made up stamps and symbols» (4). And even though «the hospital director tried to interfere, » they managed to get to the administration pretending that they were there to sign paperwork to transfer three prisoners. In thirty minutes, «Forestier, Kriegel, and I were free.»


Traduction : Catherine Lazernitz

Auteur(s) : Emmanuelle Benassi

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