"Entre illusions et désillusions"



« Nous étions accrochés à de Gaulle »
(1)

En cette fin du mois d’août 1944, les FFI prennent une part active à l’ensemble des combats de la Libération du pays. L’armée française recrute parmi ces jeunes combattants fraîchement sortis de l’ombre.
Les méfiances du général de Gaulle et de son BCRA manifestées, jusque là, à maintes reprises, à l’égard de certaines groupes militaires de la Résistante, éclatent au grand jour lorsque le général décide de publier le 25 août « un décret de dissolution des FFI alors qu’ils combattaient encore dans certaines parties de la France. » (2). Il traduit finalement leur inquiétude de voir, les rangs de l’armée traditionnelle élargis par celle d’une Résistance trop politisée et dont l’influence peut nuire à l’installation du pouvoir politique et militaire du général de Gaulle.
Le travail d’unité de l’ensemble des forces combattantes, accompli par Ravanel dans la région de Toulouse depuis le mois de juin, permet l’incorporation des FTP et des guérilleros espagnols dans les FFI. Cette réalisation qui apporte, de toute évidence, un atout, une richesse pour Ravanel représente un handicap voire un danger pour le général de Gaulle qui considère que le « Parti communiste cherche à utiliser la Résistance pour asseoir son pouvoir » (3). Pour Ravanel, il n’en est rien. Dans cette démarche d’unification qui répond à la volonté de Gaulle, les FTP souhaitent avant tout servir leur pays en lui rendant son honneur et sa liberté. En outre, c’est pour eux l’occasion « d’être reconnus comme des Français à part entière. » (4). Il est donc dans leur intérêt de respecter le chef du gouvernement provisoire. Manifestement, « notre Résistance était très mal comprise par ces hommes du BCRA et nous nous sommes demandés si finalement s’ils ne faisaient pas en sorte de brouiller les cartes et de nous dépeindre comme des dangereux révolutionnaires qui en voulions profondément à de Gaulle alors que nous étions profondément gaullistes » (5). Pour la plupart des résistants, le général représente en effet un symbole fort de la liberté. Il est celui qui dès 1940 a refusé de se soumettre à l’ennemi et a choisi d’engager la lutte. « Nous étions accrochés à de Gaulle qui disait avec une détermination fantastique je continue le combat » (6). Ce sincère et profond dévouement au général s’est manifesté tout au long de ces années de guerre. Il a permis l’unification progressive de la Résistance intérieure et s’est concrétisé en mars 1944 par le programme du CNR dont « l’objectif premier est la mise en place de De Gaulle et de son gouvernement. » (7).
De désillusion en désillusion, Serge Ravanel réalise avec désolation, que dans son projet de reconstruction du pays, le général n’accorde pas à cet esprit de résistance comme aux hommes qui le portent un respect digne (à la hauteur) de leur engagement. 

Sources : (1) Interview de Serge Ravanel et Raymond Aubrac sur le programme du CNR, année 1944. (2) Serge Ravanel, interview d’Alain Vincent 18/11/03. (3) Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Editions du Seuil, 1995. (4) Op cit. (5) Témoignage de Ravanel dans l’émission Le cercle de minuit, 23/05/95. (6) Interview de Serge Ravanel et Raymond Aubrac sur le programme du CNR, année 1944. (7) Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Editions du Seuil, 1995.

                               

                   Between Illusions and Disillusionment

«We believed in de Gaulle» (1)
At the end of August, 1944, the FFI was very active in the military assembly of the French Liberation. The French Army was recruiting young fighters that had just come out of the Resistance. But de Gaulle and his BCRA became more and more suspicious of certain Resistance groups. The tensions kept rising until on August 25th, de Gaulle's government announced «a decree ordering the dissolution of the FFI because they were continuing to fight in certain areas of France » (2). It showed the new government's fear that if a large part of their army was composed of the political Resistance, the members could threaten de Gaulle's political and military power.
Ravanel's successful integration in June of the FTP and the Spanish nationals into the FFI was one of his most prized accomplishments. But what he saw as an advantage, de Gaulle saw as a threat. He believed that the «Communist party had taken advantage of the Resistance in order to increase their power » (3). Ravanel thought nothing could be farther from the truth. The FTP had fought for de Gaulle's cause with courage, honor, and patriotism. On the other hand, it was an opportunity for them to «be recognized by all of France » and so it was in their interest to respect the leader of the temporary government. Clearly, «our Resistance has been gravely misunderstood by the BCRA, and we had to ask ourselves if the government had confused us with dangerous revolutionaries rather than devoted Gaullistes. » For the majority of resistants, de Gaulle was a beacon of freedom. It was him in 1940 who refused to give in, who continued the fight. «We believed in de Gaulle, the man who had declared so openly that he would not surrender» (6). The Resistance was sincerely devoted to the General for the entire war. When the Resistance agreed to the CNR's agenda in March of 1944, it was because they wanted to «install de Gaulle's government with him as their leader » (7).
More and more disillusioned, Serge Ravanel realized that in rebuilding his country, de Gaulle had not respected the work of the Resistance, or the men who had held him in such high regard.


Traduction : Catherine Lazerwitz

Auteur(s) : Emmanuelle Benassi

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