Du Mont Valérien aux nécropoles

Deux nécropoles nationales sont érigées sur le Vercors : l’une à Saint-Nizier-du-Moucherotte, l’autre à Vassieux-en-Vercors. Une troisième, plus modeste, est située au Pas de l'Aiguille.

La construction de ces lieux du souvenir est la grand œuvre de l’Association Nationale des Pionniers et Combattants Volontaires du Vercors (ANPCVV).

Les tombes ou cénotaphes rappellent la mémoire des civils et combattants tués ou assassinés par l’occupant. Les circonstances de ces drames se situent dans les combats ou massacres perpétrés au premier semestre de 1944, notamment à Malleval (29 janvier), à Saint-Nizier-du-Moucherotte (13 et 15 juin) à Valchevrière et Vassieux-en-Vercors (du 21 au 24 juillet), la Chapelle-en-Vercors (25 juillet), la grotte de la Luire (27 et 28 juillet).

Le visiteur ne manquera pas de constater le caractère œcuménique du site : sont situées côte à côte des croix chrétiennes et des stèles marquées du croissant musulman ou de l’étoile de David. Une sculpture murale de la salle du souvenir de la nécropole de Vassieux-en-Vercors rappelle cette œcuménicité des combattants.

D’autres mémoriaux ont été érigés sur le Vercors : au Pas de l’Aiguille, au monastère d’Esparron, au mémorial d'Espenel, qui se trouve dans le Vercors drômois.

De multiples monuments, plaques et stèles, individuelles ou collectives, parsèment le Vercors-Résistant et ses approches.

Auteur(s): Guy Giraud

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Commémorer vient du latin commemo, c’est-à-dire rappeler avec plus ou moins de solennité le souvenir d’un événement, d’une ou de plusieurs personnes.

L’époque contemporaine, avec l’irruption de l’État-nation, son rapport ambigu avec la mort et la guerre, élargit le phénomène des monuments dédiés aux combattants désormais morts pour la patrie, monuments jusque-là réservés aux « grands hommes ». Mais les aléas politiques en France, la valse des régimes politiques après 1789 entravèrent le fait de rendre hommage aux morts de l’une ou l’autre guerre, malgré les hécatombes de la Révolution et de l’Empire. Toutefois, on peut considérer certains monuments comme étant dédiés aux morts d’une guerre, ainsi l’Arc de triomphe de l’Étoile à Paris. La guerre franco-prussienne de 1870-1871 par le choc produit par la défaite, le patriotisme restant encore une valeur largement partagée, devait donner naissance, d’une part, à des monuments commémoratifs des combats, tel le Lion de Belfort dû à Bartholdi, d’autre part, à de plus modestes monuments aux morts comme celui du cimetière Saint-Roch à Grenoble. La Grande Guerre, par ses pertes humaines considérables, donna une impulsion décisive à l’érection, dans presque chaque commune de France, d’un monument aux morts.

Ainsi à partir surtout de 1920, sous l’impulsion de l’État mais aussi grâce à la ferveur populaire se manifestant par des souscriptions, la France se couvrit de ces édicules, de la simple plaque à l’ensemble monumental en passant par la stèle. Le monument aux morts, par effet de masse, devint ainsi familier à tous les Français. Des divers types de monuments érigés, encore qu’il existât des « modèles » au sens propre du terme du fait d’une certaine industrialisation émergea dans les trois quarts des cas la figure du « poilu », combattant emblématique de la Première Guerre mondiale. Les autres figures relevaient le plus souvent de l’allégorie, femmes symbolisant la Patrie, la République, plus rarement une femme « réelle » : c’est le cas du monument de Termignon, en Maurienne, devenu l’un des plus célèbres de France, figurant une « pleureuse » en costume régional. Les inscriptions les plus courantes tournent autour des expressions « morts pour la France », « enfants », au sens d’enfants du pays, de la petite patrie.

La Seconde Guerre mondiale ne provoqua pas une floraison de monuments communaux comme la Grande Guerre. D'abord, parce qu’elle ne provoqua pas de pertes humaines comparables à celles de la Première Guerre mondiale. Par contre, les pertes civiles entre 1939 et 1945 furent élevées, les Allemands considérant résistants et partisans comme des « terroristes », donc des civils francs-tireurs.

Souvent les autorités locales commémorèrent la Seconde Guerre mondiale par le réemploi des monuments de la Première, à la fois par souci d’économie, mais aussi pour associer les deux guerres, honorer en les rapprochant les morts des deux conflits, voire d’autres conflits ultérieurs, comme  ceux d’Indochine et d’Afrique du Nord. Les cérémonies commémoratives devinrent aussi communes aux divers conflits. Les simples plaques, stèles, bas ou hauts reliefs, statues en ronde-bosse etc. que nous regrouperons sous l’appellation générique de « monument », sont le plus souvent édifiés sur le lieu même de l’événement, ce qui dessine la carte des lieux d’histoire mais ne facilite pas leur visibilité. Ces édicules, générant un marché moins étendu que celui des monuments de la Première Guerre mondiale, permirent toutefois à certains artistes de manifester leur talent - nous songeons évidemment à Émile Gilioli - ou simplement d’obtenir des commandes.

Outre leur taille et leur nature, on peut distinguer les monuments « abstraits », conceptuels, les moins nombreux, consacrés à un sujet d’ordre général, comme la Déportation, c’est le cas du monument de la Déportation à Grenoble, des monuments « concrets » consacrés à des événements précis, par exemple ceux concernant le maquis de Malleval, le martyr de Vassieux-en-Vercors, ou à des personnes. Ces monuments « concrets » sont les plus nombreux, ce qui est compréhensible étant donné leur implantation en un lieu d’histoire.

Un des éléments permettant de différencier les monuments de la Seconde Guerre mondiale de ceux de la Première : le vocabulaire utilisé. S’ils présentent presque tous les noms des personnes décédées, comme celui figuré ci-dessus, les monuments aux morts de la Grande Guerre honorent des « Morts pour la France », ceux de la Seconde parlent plutôt des « victimes » ou des « martyrs », termes n’apparaissant quasiment jamais dans les premiers. Le monument des maquis de l’Oisans, tout en rendant hommage « À ses morts », fait le distinguo entre, à gauche, « ses héros » et, à droite, « ses martyrs ». Ainsi, tout en nous méfiant des généralisations hâtives, nous pourrions dire que les monuments de la Seconde Guerre mondiale insistent davantage sur le caractère de victimes des personnes décédées.

Si l’on considère Gilioli comme un maître de l’abstraction lyrique, nombre de ses œuvres sont figuratives ou, comme l’écrit un critique d’art « expressionnistes, en en tout cas, lyriques au premier degré ». Le monument du col de La Chau près de Vassieux (Drôme), dédié aux « Martyrs du Vercors », représente une femme debout, encore que la statue, dressée, semble un gisant sur sa vaste plaque de pierre ; statue énigmatique d’une femme décharnée au visage émacié, comme une déportée, bras repliés dont l’un devant la taille. « J’ai voulu faire, écrivit Gilioli, une sculpture qui soit comme la mort qui revient à la vie ». Le haut-relief de Vassieux-en-Vercors, dédié « Aux martyrs », représente un homme couché, torse nu, en short, chaussé de sandales. Les œuvres de Gilioli, sculpteur présent aujourd'hui dans les plus grands musées du monde, déplurent d'ailleurs tant aux anciens résistants et habitants du Vercors qu’ils envisagèrent un moment leur destruction.

Auteur(s) : Jean-William Dereymez