"Dans les usines"



La Charte du travail, instituée le 4 octobre 1941, supprime les anciens syndicats qui sont remplacés par des organismes chargés de mettre en œuvre les orientations gouvernementales résumées par la devise « Travail, Famille, Patrie ».
La lutte est donc très difficile dans les entreprises où les syndicats dissous se réorganisent clandestinement.
Le mécontentement est nourri par les difficultés de vie (ravitaillement, couvre-feu, présence de l’occupant, etc.). Dans les usines, la politique de collaboration voulue par la Charte empêche que les véritables revendications, de salaire notamment, aboutissent.
Les mots d’ordre ne peuvent que circuler de bouche à oreille en se méfiant de certains employés prêts à moucharder, au patron (mais tous ne sont pas des suppôts gouvernementaux) ou aux « autorités » extérieures, les préparatifs d’une action revendicative. L’information peut être véhiculée aussi par des papillons ou des tracts reproduits en nombre limité.
Ces grèves ou diverses actions revendicatives, protestataires voire patriotiques quand elles réussissent à s’organiser, sont parfois fortement réprimées.

Les archives et des témoignages nous révèlent quelques faits sur la Résistance ouvrière* :

Le 8 juin 1941, à Die, à l'usine Audra, qui emploie des ouvriers notoirement connus pour leurs sentiments extrémistes, des propos en faveur de l'Angleterre auraient été tenus le jour de l'attaque de la Syrie par les Anglais.

Le 22 février 1942, un sondage est rapporté par les gendarmes suite à une propagande en faveur du collaborateur Doriot à Romans "Dans le centre ouvrier de Romans, suivant les indications reçues, 80 % des ouvriers seraient contre : 15 % indifférents, 5 % sympathisants". Le 1er mai 1942, des ouvriers "communistes notoires" (six en tout) sont en grève dans deux usines de Die.

Le 30 juin 1942, des tracts sont distribués, et des affiches placardées à Saint-Vallier, Saint-Uze, Saint-Rambert d'Albon et Andancette protestant contre l'allocution de Laval incitant au départ volontaire d'ouvriers en Allemagne.

Le 14 juillet 1942, Henri Faure et son groupe de résistants lancent des tracts devant des usines valentinoises qui sont vite ramassés et seront ensuite commentés favorablement.

Le 14 octobre 1942, à Valence et à Bourg-lès-Valence, des tracts invitant les ouvriers à ne pas partir pour l'Allemagne, ont été découverts à proximité des usines. Le 20, d'autres tracts sont diffusés invitant les ouvriers à se mettre en grève le 21 octobre pour protester contre la réquisition de la main-d’œuvre. Le 29, pour protester contre la Relève, les ouvriers d'un certain nombre d'usines ont fait de courtes grèves notamment une grève d'une heure d'une quarantaine d'ouvriers à l'usine Bady à Romans.

Le 1er novembre 1942, le préfet rapporte que "les ouvriers spécialistes de l'industrie des métaux sont hostiles et refusent de partir volontairement pour l'Allemagne ; deux groupes : ceux qui s'inclineront devant les désignations et ceux qui y sont totalement réfractaires qui forment une grosse majorité. Sur 42 sollicités, deux seulement sont partis."
Le même jour, Marcel Barbu, industriel à Valence, refuse le départ de ses ouvriers pour la Relève, il est interné à Fort Barraux en Isère.

Le 5 novembre 1942, nouvelles grèves contre la Relève, cette fois à la fonderie Goguet, de Romans (60 ouvriers), au cartonnage Branchard de Bourg-de-Péage (10 ouvriers).

Le 11 novembre 1942, deux grèves signalées : la première à l'usine Frachon à Saint-Vallier (100 ouvriers), la deuxième à l'usine Dumont à Saint-Uze (70 ouvriers). Les patrons n'ont averti la gendarmerie que le lendemain, quatre communistes sont arrêtés. Encore à Saint-Vallier, des affiches ont été posées contre l'envoi d'ouvriers français en Allemagne.

Le 17 février 1943, un rapport est fait sur les ouvriers de la Boulonnerie Calibrée de Valence (dont 80 % de la production part en Allemagne) : 85% du personnel est anti-collaborationniste, la majeure partie des ouvriers préférerait une attitude de Résistance.
Le 24 février, en gare de Valence, les ouvriers partant pour la Relève chantent pour la première fois La Marseillaise.

Le 7 avril, une grève d'une journée pour le ravitaillement a lieu à Saint-Nazaire-en-Royans qui affecte 110 ouvriers de l'usine de tissage Léon Laurent et trente ouvriers de l'entreprise Joya-Chabert procédant à la reconstruction du Pont de Saint-Nazaire-en-Royans.
Le 14 avril 1943, une grève de protestation de 24 h à l'usine d'appareillage électrique Grammont à Érome. La fin de la grève n'a pu être obtenue que par la promesse formelle, de la part du service de ravitaillement, d'assurer d'urgence l'envoi de farine dans les communes rurales où sont domiciliés les 150 ouvriers protestataires.

Le 17 septembre des tracts sont distribués dans les régions de Saint-Vallier et Romans appelant à faire grève pour commémorer la victoire de Valmy le 20. Ce jour-là, le préfet signale que cette grève "a été un succès complet : 3.000 ouvriers du cuir en grève". Mais les Allemands procèdent à 54 arrestations dans les jours qui suivent à Romans et Bourg-de-Péage. 26 seront déportés.

Le 11 novembre 1943, plusieurs manifestations sont organisées dans le département et des grèves sont signalées à Saint-Uze et Montélimar.
À Montélimar, les ouvrières et ouvriers de trois usines déposent des fleurs au monument aux morts le matin, arrêtent le travail et se rassemblent à 11 heures au monument, chantent La Marseillaise, entraînant même les gendarmes venus les disperser et terminent par l’Internationale. La manifestation, saluée par une gerbe lancée de son avion par le pilote Vernier, est à l’initiative de Jean Ravier, animateur local d’un important groupe de sédentaires, avec qui il rejoindra peu après le maquis FTP (Franc-Tireur et partisan) des Pilles.

Le 19 janvier 1944, 22 femmes sur 80 ouvriers et ouvrières de la chapellerie Durand à Bourg-de-Péage se sont mises en grève dans le but d'obtenir une augmentation de salaire. L'occupation allemande devenant de plus en plus sévère en 1944, les grèves sont remplacées par l'inertie. Deux rapports en font mention.

Le 15 février, il est signalé : "40 ouvriers travaillent sans ardeur à la station d'Autichamp, malgré le désir des Allemands de voir s'activer ces travaux qui ne seront certainement pas achevés avant plusieurs mois".

Le 13 mai, on informe le préfet que les 4 500 ouvriers de la poudrerie de Valence, pourtant sous contrôle allemand, travaillent au ralenti. 


                                    Resistance in Factories

The Work Charter, established October 4th, 1941, abolishes the old unions that were replaced by agencies responsible for implementing governmental guidelines summarised by the motto "Work, Family, Fatherland".

The fight is very difficult in companies where illegal unions are secretly reorganising. The discontent is fueled by the difficulties of life (food, curfews, the presence of occupants, etc.) In factories, the policy of collaboration required by the Charter prevents workers' claims, in particular, higher salaries, from succeeding. Slogans can only travel by word of mouth by some employees ready to squeal to the boss (though not all are government-supporters) and to external "authorities» that preparations are being made for industrial action. Information can also be conveyed by papillons or leaflets produced in limited numbers. These strikes, when they manage to be organised, are sometimes strongly oppressed.


Traduction : Meghan Briggs

Auteur(s) : Jean Sauvageon et Patrick Martin
Source(s) :

Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007. Archives nationales, Paris, F1 CIII/1152, F1a/3901. Service historique armée terre, Vincennes, 13 P 3. Service historique gen

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