"Petits et grands procès de l'épuration"

L'Assemblée consultative d'Alger met en place les institutions qui doivent inscrire l'épuration dans le cadre d'un État de droit.

L'ordonnance du 26 juin 1944 crée une cour de justice au chef-lieu de chaque ressort de cour d'appel pour juger les faits de collaboration avec l'ennemi, qui tombent sous le coup des articles 75 à 86 du Code pénal en vigueur en 1939.

L'ordonnance du 28 août 1944 crée une nouvelle notion juridique, l'indignité nationale, sanctionnée par la dégradation nationale et une nouvelle juridiction, la chambre civique. C'est la mesure la plus controversée car elle incrimine l'adhésion active aux choix idéologiques du régime de Vichy et donc porte un jugement politique et rétroactif.

Le Commissaire de la République, Raymond Aubrac, publie dans un bulletin régional les ordonnances codifiant l'épuration et met en place très rapidement les différents tribunaux. La cour de justice de Marseille se réunit pour la première fois dès le 8 septembre 1944.

Les archives départementales des Bouches-du-Rhône conservent dans la série 55 W les pièces correspondant à l'instruction des dossiers. Les journaux publient dans un premier temps le compte rendu des grands et petits procès faisant défiler devant le lecteur le voisin irascible qui n'a pas toujours mesuré la portée de ses diatribes, comme le tortionnaire de la Milice ou du PPF. Le journaliste prend nettement parti, évaluant l'attitude de l'accusé et les performances de l'avocat comme celle des magistrats. Puis au bout de quelques mois, ne figurent plus que les procès pouvant entraîner une condamnation à la peine capitale. Lorsque comparaissent des figures emblématiques de la Collaboration - comme le milicien Durupt ou encore les lieutenants de Sabiani - les débats sont suivis avec passion par une assistance nombreuse et les journaux leur consacrent encore une place importante. Les juridictions continuent cependant leur travail. Les cours de justice supprimées par la loi du 29 juillet 1949 continuent de siéger jusqu'au 31 décembre 1951. Les chambres civiques disparaissent le 31 décembre 1949.

La presse joue un grand rôle dans la perception de l'épuration. Elle contribue à former l'opinion publique qui peut s'interroger sur la cohérence des sanctions lorsque l'article « À la cour de justice » publie une journée d'audience, avec un résumé en quelques lignes de chaque comparution et des verdicts en rafale. Dans les grands procès, après une série d'articles aux titres vengeurs, le verdict final est salué lorsqu'il se conclut par la peine capitale, ce qui prépare mal l'opinion à la commutation de la peine qui intervient parfois.

Auteur(s) : Sylvie Orsoni
Source(s) :

Robert Mencherini, La Libération et les années tricolores (1944 - 1947). Midi rouge, ombres et lumières, tome 4, Paris, Syllepse, 2014.

Henry Rousso, « L'épuration en France, une histoire inachevée », in Vingtième siècle, FPNSP, n° 33, 1992, pp. 78-105.

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