"Les différentes instances de l'épuration légale"

Les autorités du Comité français de libération nationale puis du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) entendent inscrire l'épuration dans le cadre d'un État de droit. Il en va de leur crédibilité à restaurer un ordre démocratique conforme aux valeurs de la République. Il s'agit aussi de prévenir - ou au moins de limiter - les règlements de compte, d'éviter qu'au nom d'une justice populaire l'ordre social soit renversé. 
L'Assemblée consultative qui siège à Alger consacre de nombreux débats à la mise en place de cette épuration légale. Deux thèmes suscitent des affrontements passionnés : faut-il créer de nouvelles institutions judiciaires ? et peut-on accepter des incriminations rétroactives contraires au Code pénal, à la tradition démocratique et utilisées par Vichy dans ses sections spéciales ? Les adversaires de la rétroactivité et de la création d'institutions dédiées à l'épuration sont en particulier les juristes présents à Alger. Ils doivent cependant admettre que la situation créée par l'Occupation et la Collaboration imposent des solutions nouvelles. Des ordonnances prises par le GPRF instaurent donc différentes institutions destinées à réprimer les différents types de collaboration.

L'ordonnance du 26 juin 1944 crée une cour de justice au chef-lieu de chaque ressort de cour d'appel pour juger les faits de collaboration qui tombent sous le coup des articles 75 à 86 du Code pénal en vigueur en 1939. Ces cours de justice sont supprimées par la loi du 29 juillet 1949, mais siègent jusqu'au 31 décembre 1951.

L'ordonnance du 28 août 1944 instaure les chambres civiques. C'est la mesure la plus controversée car elle incrimine l'adhésion active, manifeste, aux choix idéologiques du régime de Vichy en créant la notion d'indignité nationale, sanctionnée par la dégradation nationale. Elle implique un jugement politique et rétroactif. L'ordonnance initiale connaît de nombreuses réécritures en fonction des évolutions politiques. Les chambres civiques sont supprimées le 31 décembre 1949.

Les tribunaux militaires peuvent aussi traiter des cas de collaboration, puisque pour la France libre, la nation n'avait jamais cessé d'être en guerre.

Des commissions ou comités sont également créés pour procéder aux épurations professionnelles : administrative (ordonnance du 27 juin 1944), économique (ordonnance du 18 octobre 1944 sur les profits illicites).

Le commissaire régional de la République, Raymond Aubrac, publie dans un bulletin régional ces ordonnances et met en place très rapidement les différentes instances de l'épuration, en particulier la cour de justice dont la première séance se tient à Marseille le 8 septembre 1944.

Auteur(s) : Sylvie Orsoni
Source(s) :

Robert Mencherini, La Libération et les années tricolores (1944-1947). Midi rouge, ombres et lumières, tome 4, Paris, Syllepse, 2014.

Henry Rousso, « L'épuration en France, une histoire inachevée », in Vingtième siècle, PFNSP, n° 33, 1992, pp. 78-105.

Anne Simonin, Le déshonneur dans la République. Une histoire de l'indignité. 1791-1958, Paris, Grasset, 2008.

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