"À propos des étrangers, indésirables et individus dangereux"

La France après la Première Guerre mondiale est une terre d'accueil. La loi du 27 juillet 1927 permet d'acquérir assez facilement la nationalité française. Mais les difficultés économiques remettent en cause cette politique d'intégration et suscitent une montée de la xénophobie. Dés 1932, une loi limite le recrutement et l'emploi de la main d'œuvre étrangère dans le secteur privé. A partir de 1934, une série de lois renforce le contrôle des étrangers. L'arrivée au pouvoir d'Hitler, l'emprise grandissante du nazisme sur l'Autriche et la Tchécoslovaquie entraînent des vagues de réfugiés, en particulier juifs, perçus négativement par une partie de la population et de la presse. Le nombre de réfugiés autrichiens et allemands est évalué par Rita Thalmann et Barbara Vormeier à 40 000 personnes. Sur les 360 000 Juifs de métropole, 160 000 sont étrangers. Le chiffre est modeste rapporté aux quarante millions de Français mais alimente des campagnes de presse hostiles. Le 14 avril 1938, le ministre de l'Intérieur, Albert Sarraut, invite dans une circulaire les préfets à « mener une action méthodique, énergique et prompte en vue de débarrasser le pays des éléments indésirables. »  Le décret-loi du 12 novembre 1938 permet l'internement des indésirables dans des « centres spécialisés ». Pour l'historien Pierre Laborie, à partir de 1938, une crise d'identité nationale devient   évidente et assimile l'étranger à l'indésirable.En janvier 1939, après la chute de Barcelone, 465 000 Espagnols traversent la frontière. Cinq camps d'internement sont improvisés dans les Pyrénées orientales et un camp dans les Pyrénées atlantiques. Le camp de Rieucros, près de Mende en Lozère, est ouvert le 21 janvier 1939 enapplication du décret du 12 novembre 1938. De nombreux réfugiés antinazis y sont envoyés. Dès avril 1939, des instructions secrètes de l'État-major prévoit l'internement des étrangers de sexe masculin âgés de 17 à 50 ans. Le décret-loi du 18 novembre 1939 aggrave les dispositions du décret de 1938 et permet l'internement à titre préventif de tout élément « suspect au point de vue national et politique ». C'est une loi des suspects. Les communistes français rejoignent les indésirables étrangers dans les camps. Après l'entrée des troupes allemandes en Belgique, le 15 mai 1940, il est décidé l'internement des ressortissants du Reich âgés de 17 à 56 ans et le 17 mai des femmes âgées de 17 à 65 ans. La IIIe République lègue au gouvernement de Vichy un arsenal répressif ouvrant la porte à l'arbitraire, une constellation de camps et une population stigmatisée, affaiblie moralement et physiquement par les conditions déplorables d'internement. Le gouvernement de Vichy supprime dès juillet 1940 les quelques voies de recours offertes aux internés. Au critère de nationalité, il ajoute le critère racial. Les lois des 3 et 4 octobre 1940 puis le deuxième statut des Juifs permettent l'internement des juifs étrangers puis français qui peuvent être internés en tant que tels. Tous les échelons de l'administration sont sommés de participer à la traque et l'internement des indésirables.

Marseille et sa région qui étaient apparues à de nombreux persécutés comme un refuge et une porte vers l'émigration deviennent un piège.

 

Auteur(s) : Sylvie Orsoni
Source(s) :

Les camps en Provence ; exil, internement, déportation, 1933-1944, Aix-en-Provence, Alinéa, 1984.

Grynberg Anne, Les camps de la honte. Les internés juifs des camps français, 1939-1944, La Découverte/Poche, Paris, 1999.

Laborie Pierre, « Les Espagnols et les Italiens dans l'imaginaire social », in P. Milza et D. Peschanski (sous la dir. De ), Exils et migrations .Espagnols et Italiens en France 1938-1946, Paris, L'Harmattan, 1994, p .275 .

 

Mencherini Robert, Vichy en Provence, Midi Rouge, ombres et lumières, tome 2.,Paris, Syllepse, 2009.

 

Mencherini Robert, De la galaxie des Milles aux rafles de juifs en Provence, in Provence-Auschwitz. De l'internement des étrangers à la déportation des Juifs, 1939-1944 (dir. Robert Mencherini),collection Le temps de l'Histoire, P.U.P., Aix-en Provence, 2007.

 

Peschanski Denis, La France des camps. L'internement 1938-1946, Editions Gallimard, Paris, 2002.

 

Seghers Anna, Transit, Paris, la Bibliothèque française, rééd. Aix-en-Provence, Alinéa 1986. 

 

Thalmann Rita, « L'accueil des émigrés allemands en France de 1933 à la déclaration de guerre, in Jacques Grandjonc (sous la dir. de), Emigrés français en Allemagne, émigrés allemands en France, 1685-1945, Paris, 1983.

 

 

 

 

 

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